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Brako : nous ne serons plus jamais des enfants
Grand format
Inédit
À partir de 13 ans
Paris : Sarbacane, novembre 2010
104 p. ; 30 x 24 cm
ISBN 978-2-84865-428-7
Du clair-obscur pour épouser les couleurs de l'âme
Hippolyte a adapté le roman d'Hamid Jemaï Dans la peau d'un youv, l'histoire d'un braquage qui tourne mal, et en a fait une splendide bande dessinée graphique en noir et blanc où action, rêves et nostalgie s'entremêlent pour converger en un carrefour de violence ahurissant.
Tout débute dans un rêve peuplé d'arbres de Karnal, un post-adolescent qui traîne ses baskets sur le bitume de la cité avec ses copains de toujours. Karnal, Marko, Mehdi et Vato bien que quatre sont comme les cinq doigts d'une main. Des complices de la vie dont l'amitié est née dans l'insouciance d'une banlieue surpeuplée. Réunis chez Marcus pour le réveillon du jour de l'an, ils attendent comme beaucoup le compte à rebours : 5, 4, 3, 2... 1. Et c'est soudain l'explosion pour Karnal qui se retrouve embarqué dans une étrange opération commando... Il va commettre son premier braquage d'un fourgon de la Brinks sous les ordres de Marcus affublé d'un masque de Dark Vador. La violence des mots et des actes déferle alors. Le plan a été minutieusement élaboré mais il y a ce quelque chose dans les yeux de Marcus et que tous sauf Karnal ne semblent pas voir. Dans un monde où la loi bestiale de la meute tente de s'imposer, il est le dernier rempart rationnel. Et c'est bel et bien lui qui va instiller le doute dans le cerveau de Vato, Raging Bull en puissance, et embarquer ainsi ses amis dans une chevauchée fantastique dont nul ne peut ressortir entier et qui se termine comme dans Scarface. On comprend alors pourquoi Hippolyte a choisi de sous-titrer sa bande dessinée "Nous ne serons jamais plus des enfants" même si l'on a envie de lui rétorquer que ces enfants n'auront sûrement pas l'occasion de devenir des adultes. Car ce réveillon qu'ils passent ensemble pour la dernière fois au tout début est aussi comme le Styx que l'on franchit, quittant la vie pour habiter la mort. Hippolyte fait étalage de sa palette graphique. Il hachure quand il nous plonge dans un rêve, il lisse quand il nous installe dans la dure réalité de ses personnages, et il arrondit les angles quand il revient sur une enfance heureuse et forcément nostalgique. Son trait heurté pour mieux refléter les aspérités et la violence des sentiments de ses personnages s'adapte au scénario avec aisance ; les armes pétarades pendant que des images et des sons nous éclatent à la figure, à mesure que Karnal s'enfonce dans ses cauchemars, et qu'il nous devient de plus en plus sympathique. Il joue sur le clair-obscur dans toute sa puissance pour mieux refléter les parts d'ombre qui sont en nous, multiplie les juxtapositions de cases (presque) identiques dans un ensemble graphique et harmonieux où tout est à la fois naturel et pensé, et où notre œil est attiré, scotché...
On en parle : Alibi n°2
Citation
Dans une meute, les loups se suivent. Mais le lion, lui, a plus faim que les autres. Alors il se détache. Prêt à mourir pour dominer les autres, jusqu'à son prochain.