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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais par Isabelle Perrin
Paris : Le Seuil, avril 2011
372 p. ; 27 x 15 cm
ISBN 978-2-02-102768-6
Coll. "Cadre vert"
Les décombres de l'espionnage
John Le Carré a signé des romans d'espionnage impressionnants sur la grisaille du quotidien d'un espion, sur les magouilles internes, sur les rivalités qui poussent les gens à perdre pour faire tomber de leur piédestal leur chef plutôt que de gagner pour que triomphe leur camp. Il a quitté les services secrets au sens strict pour s'ouvrir au monde et découvrir que cette grisaille recouvrait le monde entier. Comme dans une structure fractale, la désillusion se retrouve dans tous les interstices du récit : au niveau de l'individu (ici une jeune fille qui découvre l'amour et y croit avant de s'apercevoir que ce ne sont que mensonges) comme au niveau de l'État - sans entrer dans le fond du roman, tout le monde sait qu'il y a un escroc dans les cercles du pouvoir, qu'il veut introduire dans le circuit de l'argent sale, mais après tout cet argent sale servira l'économie du pays...
Ici, encore le style de John Le Carré fait toute la différence. Suite de discussions, de correspondance feutrée, d'allusions et d'incompréhensions. Les personnages se créent en quelques lignes et acquièrent une grande force d'évocation, qu'ils soient au premier plan comme dans les détails du fond de tableau.
Le roman raconte la mondialisation financière, ses dérives, ses blanchiments, ses accommodements en déplaçant les personnages dans des lieux emblématiques d'un pouvoir et de l'opulence feutrée : hôtels de grande classe, plages de paradis fiscaux, stations de ski suisses et coulisses des stades de tennis. Mais l'envers du décor est pourri car sur l'île, le "traitre" vit avec sa famille dans un immeuble en construction ; l'hôtel est surtout intéressant pour la porte de secours des toilettes ; les salles privées de Roland Garros servent pour des beuveries et des orgies tristes - mais à quoi servirait le pouvoir si l'on ne peut coucher avec des mannequins blonds et chères ?
Vu à travers les yeux d'un spectateur innocent qui va devoir dessiller ses yeux, Un traitre à notre goût laisse au lecteur le même goût amer que celui qui doit trainer dans la bouche du "héros" et de sa compagne : celui de la corruption généralisée du monde, des gens, des choses, des sentiments. Une corruption qui peu à peu engloutit tout.
On en parle : Carnet de la Noir'Rôde n°44
Citation
En Russie, le tennis est un signe extérieur de richesse. Si un russe vous dit qu'il joue au tennis, il vous dit qu'il est plein aux as.