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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais par Renaud Morin
Paris : Belfond, mai 2011
194 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-7144-4791-3
Coll. "Noir"
Entre Stephen King et Marguerite Duras
Né en Angleterre, Neil Cross vit en Nouvelle-Zélande. C'est sans doute la raison pour laquelle son écriture se rattache aussi peu aux thrillers à l'américaine. Après son premier roman L'Homme qui rêvait d'enterrer son passé qui sort en synergie et en poche chez 10-18, Neil Cross, dans Captif, revient à son thème de prédilection : les relations sado-masochistes entre hommes suite à un secret criminel datant de plusieurs années.
Voilà un livre facile à lire, c'est le moins que l'on puisse dire. Imprimé en très gros caractères sur du papier épais, découpé en cinquante-cinq chapitres courts eux-mêmes très aérés par des dialogues on ne peut plus quotidiens, Captif raconte la dérive sanglante d'un homme, Kenny, apprenant qu'il ne lui reste que six semaines à vivre et qui, dans une dernière quête, entend retrouver les gens envers lesquels il estime avoir une dette. Dernier nom de sa liste de quatre, Callie Barton, la seule fille qui lui a témoigné un relatif intérêt quand Kenny était à l'école primaire... Pour retrouver Callie, Kenny sollicite l'aide de Pat Maxwell, une ex-flic à la retraite qui vit avec ses chats dans un mobil-home pourri et qui, elle-même, va employer Paul Sugar, un détective minable poursuivi par les hommes de main de son usurier. Kenny, de son côté, va voir son ex-femme remariée avec son meilleur ami. Tout le monde s'aime et parle peu.
Neil Cross est assez symptomatique de cette nouvelle race d'écrivain qui fait des ravages dans les best-sellers, avant tout lus par des femmes actives utilisant les transports en commun. Un parfum de bonté, sujet, verbe, complément, des phrases courtes ou très courtes. Du passé simple pour rester dans le ton romanesque classique. Pas d'analyse de sentiments mais des indications données par des actions simples, des petites comparaisons poétiques, des mots populaires, des dialogues concis aux échanges rapides. Tout cela pour déboucher sur des scènes de tortures voire de grand-guignol qui se retrouvent complètement aplanies par ce regard au quotidien. En cela, cet extrait de l'interview de Franck Thilliez publié dans le numéro Télérama du 14 au 20 mai 2011 fait étrangement écho : "J'ai compris que suspense et émotions fortes ne riment pas forcément avec surenchère et voyeurisme". Neil Cross semble être aussi de cet avis, bien que la quatrième de couverture nous apprenne aussi qu'il fut "abandonné par sa mère à l'âge de cinq ans et élevé par un beau-père violent et fanatique religieux", ce qui peut donner des pistes psy sur les rapports de ses personnages.
Cette dynamique de lecture très facile est le premier atout de Neil Cross - les littéraires vont hurler. Car, dans ce genre de livre, mieux vaut être économe qu'indigeste. Il suffit de lire ces pages et ces pages de descriptions dans les thrillers de six cents pages pour s'en rendre compte. S'il y a peu d'empathie pour les quelques personnages, il y a au moins un intérêt intact car non dilué par les digressions. Pat Maxwell, la vieille ex-flic, émerge du lot, tout comme, beaucoup plus tard dans l'intrigue, le détective privé miteux. Autres atouts, les décors plantés avec si peu de moyens qu'ils en sont durassiens (la jetée de Weston-super-Mare) et l'utilisation modérée mais efficace des nouvelles technologies (Internet, google map, portable). On voit là la patte du scénariste. Mais cette écriture basique a son revers : les agissement des personnages sont désincarnés. N'est pas Marguerite D. qui veut ! Et les horreurs de la confrontation de Kenny et du mari de son amie d'enfance disparue paraissent aussi gratuites qu'un épisode de série Z. Est-ce voulu ? On pourrait le croire quand on arrive à la fin du livre : Captif pourrait être un fantasme.
Nominations :
Meilleur polar étranger de la rédaction de Lire 2011
Citation
La grande jetée était un lieu sinistre, mais un lieu innocent aussi. Elle était ambivalente comme une créature de conte de fée.