Cinacittà : mémoire de mon crime atroce

J'aurais aimé nier, et même dire au colonel de la DGSE d'aller au diable ou encore plus loin, mais je ne sais pas mentir. Le lobe de mon cerveau dédié au mensonge est défaillant. Quand on me demande, je réponds. J'esquive parfois, si je me suis solidement préparé, et le vieux m'a eu par surprise. Je n'aime pas parler de ma bille a des inconnus. Je n'aime pas parler de ma bille du tout.
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Roman - Noir

Cinacittà : mémoire de mon crime atroce

Assassinat MAJ dimanche 03 juillet 2011

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 20 €

Tommaso Pincio
Cinacittà. Memorie del mio delitto efferato - 2008
Traduit de l'italien par Sarah Guilmault
Paris : Asphalte, juin 2011
20 x 15 cm
ISBN 978-2-918767-13-8
Coll. "Fictions"

Pincio Roma

Faire son cinéma à Rome est chose courante. Federico Fellini vient bien sûr à l'esprit. D'ailleurs, comment ne pas penser à Fellini Roma en suivant les traces du "dernier des Romains" dans les rues caniculaires et envahies par les Chinois de la capitale ancestrale italienne ? C'est Cinacittà, roman mémorable de Tommaso Pincio.

Dans un futur immédiat où le soleil tape dur, les Romains ont fui leur ville la laissant à des Chinois, qui n'ont eu aucun mal à se l'accaparer. Seul notre narrateur a refusé de partir, plus par faiblesse, facilité voire fainéantise que par choix. Il survit de ses rentes, comprend que cela ne durera pas, observe le balai des prostituées chinoises qui émasculent sans aucune gêne les amants sur le retour qui les ont éconduites, en buvant des bières glacées.

C'est dans la chambre 541 de l'Excelsior que la destinée de cet homme médiocre, artiste raté, qui fuit son futur, va pourtant prendre une imprévisible tournure. Sa rencontre avec un Chinois lettré, éduqué, adepte du billard américain l'a en effet conduit à louer une chambre du prestigieux hôtel maintenant décati dans laquelle Kurt Cobain se serait suicidé. Hypothèse non étayée mais qui suffit à rendre réticent le moindre Chinois désireux de trouver logement à son Ying et à son Yang. Ce qui est sûr en revanche, c'est qu'après le drame qui s'y est noué et qui nous est raconté par le narrateur rétrospectivement depuis sa geôle, la chambre ne trouvera pas preneur de sitôt. Yin, une charmante prostitué l'avait ensorcelé. Comment cette vestale des temps futurs a fini par céder aux avances du narrateur ? Comment s'est-elle retrouvée morte à ses côtés dans une chambre à l'air conditionné défaillant ? Pourquoi n'a-t-il rien dit, se contentant de dormir à côté d'un cadavre se putréfiant ?

Dans le bureau du juge, cet homme n'avoue pas. Il ne tente pas non plus d'être innocenté. Il attend tout simplement le verdict qui le conduira à la potence. Et dans sa prison, petit à petit, il déroule un récit tragique que Tommaso Pincio dépeint avec poésie et finesse. Le roman alterne présent et passé. De longues descriptions entre lesquelles s'intercalent des dialogues qui ne peuvent se tenir que dans cette ville qui souffrira une nouvelle chute.

Tommaso Pincio multiplie les anecdotes. L'on comprend même que les pousses-pousses ne se conduiraient pas autrement dans une autre ville. Les Chinois de Rome se comportent comme nulle part ailleurs même s'ils ont hérité de toutes les tares et facettes à citron d'un monde prompte à ne pas les comprendre. L'on frise l'image d'une Italie morcelée et achetée bout à bout par la nouvelle puissance mondiale amenant avec elle cette multitude de plans tous plus machiavéliques les uns que les autres, et que l'on redoute depuis Sax Rohmer et son personnage maléfique de Fu-Manchu.
Un roman qui nous plonge dans la torpeur brûlante d'un climat romain tout juste pollué par les turpitudes humaines.


On en parle : L'Indic n°10

Rédacteur: Julien Védrenne mercredi 08 juin 2011
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