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Farce animalière en brousse humaine
Le mariage entre le roman policier et l'humour volontaire n'a jamais été chose aisée car il est difficile de présenter les troubles noirs de l'être humain et d'en rire. Certains comme Carl Hiaasen et Elmore Leonard s'en sont sortis avec brio en poussant à l'extrême le glauque jusqu'à en rire, d'autres à l'instar de Russel H. Greenan et Marc Behm ont appuyé fortement sur l'absurde. Il a même existé une "école" française qui oscillait entre un humour bon enfant, mâtiné de Don Camillo - c'est le cas de Charles Exbrayat et de son personnage d'Imogène -, et une douce ironie sur le monde parsemé d'un enchantement poétique du quotidien à la Pierre Véry.
Ricardo Salvador a sans doute lu Pierre Véry. Même si la poésie l'inspire moins, il distille un même humour ironique et délicat, pointant ici ou là, une méchanceté de bon aloi (un des personnages est un ministre chargé de s'occuper des multiples commissions et sous-commissions que la France adore), développant le sens des jeux de mots dans les noms de ses personnages : M. Lapaud de Loursse y côtoie monsieur Paillepoutre-Duvoisin. Le commissaire s'appelle Maigret et a comme adjoint Lucas et Janvier mais il ne faudrait pas le confondre avec l'autre, même si lui aussi fume la pipe il a revanche plus qu'assez de la blanquette et rêve d'aller en vacances ailleurs qu'à Meung-sur-Loire.
L'intrigue ? Elle est simplissime à souhaits avec un zoo miteux de centre-ville qui est l'objet des convoitises d'un promoteur immobilier qui a réussi à mettre dans sa poche un investisseur avide (dont la femme est la sous-préfète ce qui peut aider) et divers charognards (appelés aussi notables). Peu à peu, la bande de rapaces est décimée. Qui est coupable de cette "bonne œuvre" ? Parmi les éternels suspects figurent le directeur aviné du zoo, Nestor et Pollux qui sont les derniers gardiens, la guichetière qui n'en est pas à ses premiers actes de résistance ainsi que la femme de ménage prêtresse vaudoue à ses heures.
La résolution de l'énigme est de peu d'importance même si elle retourne aux sources du genre. Ce qui importe c'est la fantaisie présente chez les personnages, dans leurs actions et leurs péripéties saugrenues, et l'atmosphère de douce folie qui gangrène le texte et lui donne l'assurance que le lecteur va suivre sans s'arrêter, tout en inventant des façons de tuer liées aux caractéristiques des animaux, ce qui dénote une certaine imagination...
Citation
Pour avoir affaire à un tueur en série, il faut forcément une série et une série cela commence à partir de deux, ajouta le toubib. Là c'est un peu tôt.