Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais par Éric Chédaille
Paris : 10-18, septembre 2009
524 p. ; illustrations en noir & blanc ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-264-04895-0
Coll. "Domaine étranger", 4264
Actualités
- 18/09 Édition: Parutions de la semaine - 18 septembre
Parmi les nouveautés de la semaine, que l'on divise en trois catégories (grand format, poche et gros caractères), il y a évidemment Les Brumes du passé, de Leonardo Padura au format poche. Retour de Mario Conde, le détective cubain. k-libre s'arrêtera très prochainement sur L'Affaire de Road Hill House, qui nous emmène sur un fait divers relaté, le meurtre d'un enfant de trois ans, qui en fait peut-être le premier écrit policier (loin d'être sûr). Le reste est à découvrir !
Grand format :
Fenêt sur cour, de Gino Blandin (Cheminements)
Canicule, Collectif (L. Wilquin)
La Stratégie du père, de Geoffroy de Clavières (Slatkine)
Souffrez les enfants : jusqu'où irez-vous pour protéger ceux que vous aimez ?, d'Adam Creed (Ixelles)
Tempête polaire, de Clive Cussler & Paul Kemprecos (Grasset)
Presque mort, d'Åke Edwardson (Lattès)
L'Affaire Crownbill, de Georges Evens & Corinne Evens (Flammarion)
Hivernage, de Laurence Gavron (Le Masque)
Pour la cause, de David Hosp (First)
Diplomatie en kimono, de Frédéric Lenormand (Fayard)
Monsieur X met les doigts dans une prise de conscience, d'Alice de Moras (Zythum)
Mortels péchers, Collectif présenté par Elizabeth George (Presses de la Cité)
Le Crime était déjà écrit, de Jean-Max Tixier (Presses de la Cité)
Poche :
Métal brûlant, de Sandra Brown (J'ai lu)
L'Hiver continue au fond du magasin, de Françoise Laurent (Krakoen)
Le Gardien du testament, d'Eric van Lustbader (LGF)
Mortelle Écosse, de Stuart MacBride (J'ai lu)
L'Âme détournée, de R. N. Morris (10-18)
Les Brumes du passé, de Leonardo Padura Fuentès (Métailié)
Cellules blanches, de Pierre Rehov (J'ai lu)
Scandale du crime, de Nora Roberts (J'ai lu)
La Clandestine, de Michael Robotham (LGF)
L'Affaire de Road Hill House, de Kate Summerscale (10-18)
Gros caractères :
Un été ardent, d'Andrea Camilleri (Feryane Livres gros caractères)
Morts sur la lande, d'Ann Cleeves (Feryane Livres en gros caractères)
Sans un mot, d'Harlan Coben (Feryane Livres en gros caractères)
Les Mystères de Venise - 1. Leonora agent du doge, de Loredan (Feryane Livres en gros caractères)
La Nuit de Geronimo, de Dominique Sylvain (Feryane Livres en gros caractères)
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Le fait divers à l'origine de la littérature de genre
Dès sa sortie en Angleterre, le pavé de Kate Summerscale a fait un carton et a obtenu un prix prestigieux en catégorie "non-fiction". L'Affaire de Road Hill House est parue en version poche dans la collection "Domaine étranger" des éditions 10-18 après avoir rencontré le succès en grand format chez Christian Bourgois. De quoi s'agit-il ? Du récit fort documenté, jour par jour, puis par mois, enfin par années, d'un crime célèbre en Grande-Bretagne. Il se déroula au cours de la nuit du vendredi 29 au samedi 30 juin 1860 dans une grande maison bourgeoise habitée par un inspecteur de manufactures, Samuel Kent, sa deuxième femme et leurs trois enfants âgés de deux à cinq ans, ainsi que quatre enfants survivants d'un premier lit (cinq autres étant morts à la naissance !), âgés de quinze, seize, vingt-huit et vingt-neuf5 ans. Un cinquième, matelot embarqué au moment des faits, ne sera pas inquiété.
Le petit Saville (issu d'une deuxième union), trois ans, disparaît du lit placé dans la chambre de sa nurse. Dans un premier temps, celle-ci pense que sa mère, enceinte de huit mois (elle accouchera d'ailleurs peu de temps après le meurtre) l'a pris avec elle pendant la nuit mais, au matin, force est de constater qu'il est introuvable. Famille et domestiques se lancent dans les recherches tandis que le père fait atteler une calèche et se précipite au bourg le plus proche pour prévenir la police. Road Hill House est entourée de maisons misérables où vivent de pauvres gens qui ont des liens étroits avec les domestiques mais des relations tendues avec Samuel Kent qui traque les braconniers. C'est l'un de ces habitants qui retrouvera, dans une fosse d'aisance, l'enfant égorgé que l'on s'est acharné ensuite à faire passer par l'étroite lunette. Ce fait divers devient immédiatement une cause célèbre et présente des similitudes, cent vingt-quatre ans plus tard, avec "L'Affaire Grégory".
Le texte est une sorte de thèse d'histoire, de sociologie, de criminologie et de littérature avec un fil ô combien rouge. Grâce à l'expansion de la presse, cet horrible meurtre d'un innocent dynamite l'image de la sacro-sainte cellule familiale victorienne et permet ainsi au peuple d'entrer dans l'intimité (perverse ?) d'une classe bourgeoise en pleine gloire grâce à l'industrialisation. Car, c'est un fait, le ou la coupable vit dans la maison, même si une fenêtre du salon a été ouverte pour faire diversion. À Londres, on a justement créé un département spécial de détectives aux pleins pouvoirs pour résoudre les affaires difficiles. C'est l'un d'eux, Jonathan Whicher, qui va être chargé de l'enquête. Et il s'y casse les dents. Kate Summerscale le suit pas à pas dans ses démarches et nous donne à lire ses rapports. La presse se déchaîne. Elle suspecte des relations coupables entre la nurse et le maître de maison. L'enfant, dormant dans la même chambre, aurait surpris leurs ébats et le père l'aurait lui-même tué pour qu'il ne parle pas. Les lecteurs envoient leurs cogitations. Tous les habitants de la maison sont suspectés. On publie le plan ainsi que les photos (un cahier est d'ailleurs inclus dans le livre) des personnes et des lieux. La photographie, alors en pleine ascension, va nourrir l'affaire. Le détective inspecteur apprend que la première femme de Kent est morte folle. Que la deuxième femme actuelle était auparavant la gouvernante des enfants et la maîtresse de Kent. Que les enfants du premier lit sont délaissés. Que Samuel Kent est un engrosseur forcené, père, au minimum, de quinze enfants. Et, bien sûr, personne ne parle, personne ne se dénonce. Pourtant, Whicher ne tarde pas à isoler un probable coupable grâce à une chemise de nuit disparue et à une vieille histoire où des éléments furent jetés dans une fosse d'aisance. Mais personne ne le croit. Sa carrière est détruite alors que, cinq ans plus tard, les aveux retentissants de l'assassin lui donnent raison. Rançon de cette sinistre gloire : Kate Summerscale met en évidence les liens de cette affaire avec les premiers romans policiers qui vont lancer le genre : Wilkie Colins (La Pierre de Lune, 1868), Mary Elizabeth Braddon (Le Secret de Lady Audley, 1862) et même Henry James (Le Tour d'écrou, 1898) vont s'en inspirer directement tandis que Charles Dickens va participer activement à l'enquête et créer son détective à partir de Whicher. Pour enfoncer le clou, Kate Summerscale adopte même une structure de roman policier avec révélation du coupable au milieu de son texte... Mais est-ce la vérité ? Ou une dénonciation pour innocenter le vrai coupable ? Y avait-il un complice ? Tout reste ouvert. Elle poursuit son récit, enquêtant sur les cinq enfants morts à la naissance de la première Mme Kent. Elle en propose une explication vraisemblable et étonnante. Puis elle décrit le "après" des protagonistes (le plus jeune des enfants du premier lit devient un grand savant), mourant les uns après les autres au fil des années. Et ce n'est pas sans ironie que "l'assassin" sera celui qui fera les plus vieux os puisqu'il finira centenaire !
Voilà, une remarquable étude dont le spectre d'investigation est incroyable. La version poche propose en outre plusieurs bonus : des portraits de Whicher tout d'abord, mais surtout une vue stéréoscopique de Road Hill House envoyée par un lecteur à Kate Summerscale. À l'époque, c'était une vue prise avec un appareil à deux objectifs légèrement décalés, permettant un relief quand on passait le carton dans une visionneuse. Mais là, Kate Summerscale se rend compte que le photographe a pris deux clichés séparés, avec un appareil simple. Sur la deuxième vue, deux silhouettes apparaissent derrière une fenêtre. Qui sont ces fantômes ? Et l'auteur de détailler une nouvelle mini-enquête dans son passionnant post-scriptum...
Citation
Les nouveaux journalistes avaient beaucoup en commun avec les détectives : ils étaient tour à tour regardés comme des champions de la vérité et de sordides voyeurs. Sept cents titres paraissaient en Grande-Bretagne en 1855 ; leur nombre se porta à onze cents en 1860.