Splendeurs et misères du fait divers

Il ne veut pas que Lear s'en aille. Il en a pleinement conscience. Il veut ça. Vincent veut ce... cette raison d'être. - Êtes-vous du côté du bien ou du côté du mal ? - Nous, corrige Lear. Nous, autant que nous sommes, sommes à la fois bons et mauvais. Mais moins mauvais qu'eux.
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Essai - Noir

Splendeurs et misères du fait divers

Historique - Faits divers MAJ jeudi 24 novembre 2011

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 7 €

Louis Chevalier
Paris : Perrin, janvier 2011
192 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-264-03439-9
Coll. "Synthèses historiques", 368

Le fait divers dans tous ses états !

Qui a jugé utile d'assembler ces deux termes pour en faire cette expression qui s'inscrit aujourd'hui comme usuelle, et pourquoi ? À quoi s'appliquait-elle et comment ce vocable s'est-il imposé ? Que recouvre-t-il par ailleurs ? L'étude de Louis Chevalier, de son origine à son apogée, révèle à travers le fait divers le volet sombre de notre époque, l'envers de notre société.

Cette expression, assemblage pour le moins hétéroclite, trouve son origine vers les années 1860 et remplace ce "petit-fait" qui irritait tant Voltaire. C'est Larousse qui, le premier, en donne une définition dans son édition de 1872. Il désigne ainsi, la rubrique où les journaux publient des nouvelles de toutes sortes.
Le fait divers prend la place également, dans le vocabulaire, mais ni dans le fond, ni dans la forme, de ce que Balzac appelait le "Fait-Paris", une information enrichie par des éléments de fiction qui ont l'air d'être vrais.
L'auteur passe en revue l'état de la presse sous le Second Empire et la petite révolution que fut l'arrivée, en 1863, du Petit Journal, vendu un sou. Celui-ci sort la lecture des cabinets spécialisés et l'ouvre au plus grand nombre. Cette avancée s'accompagne, hélas, de la nécessité de capter un public de plus en plus nombreux, de le fidéliser par rapport à la concurrence. C'est l'escalade. Il faut des faits divers passionnants, et quoi de plus passionnant que le crime ?
Louis Chevalier retrace l'évolution de cette rubrique jusqu'à nos jours, les scandales mondains, le fait divers crapuleux, politique...
Il consacre un chapitre à ce qu'il appelle : "La préhistoire du fait divers" lorsque les chroniqueurs rapportaient les meurtres de Gilles de Rais, les exploits de Louis Mandrin, le procès du Courrier de Lyon...
Il s'intéresse aussi aux rapports entre fait divers et littérature, puisant dans Balzac, apparemment grand consommateur de ce genre d'informations, dans Victor Hugo, mais aussi dans Jean-Paul Sartre et dans les courriers de la marquise de Sévigné.
Il mentionne nombre de données historiques, à titre anecdotique, mais oh combien ! passionnantes. Ainsi : "Le Figaro, (de Villemessant à partir de 1854) de cette première période a joué un grand rôle dans l'histoire du fait divers et pas un rôle des plus reluisants... par le choix des sujets, par leur présentation, la désinformation qui en est faite, en un mot par le goût forcené du scandale..."
Louis Chevalier évoque aussi les rapports de la politique et de la presse, le fait divers politique comme l'affaire Caillaux, la mort de Gabriel Syveton, Stavisky...

Par ailleurs, auteur de Classes laborieuses et classes dangereuses, élu professeur au collège de France à 39 ans, Louis Chevalier brosse un tableau saisissant de l'histoire du fait divers. On ne sait si son texte est d'une modernité stupéfiante ou si les individus qui composent, dirigent, orientent, président aux destinées de notre société sont d'une affligeante constante. En effet, si l'on compare le portrait de la presse que dresse l'auteur en 1850, à celui qui existe actuellement, la teneur du fait divers, la façon dont on le rapporte, on obtient une image similaire, un "copié/collé" parfait.

Citation

En matière de faits divers plus qu'en tout autre sujet, l'historien se méfie. Plus le fait divers est époustouflant, plus il y a de sang, de stupre, de rugissement, de volupté et de mort, plus ces détails, avec les années, avec les répétitions, avec les rééditions, avec les besoins de la société de consommation et la crise de l'édition, prennent de dimension, plus l'historien garde la tête froide...

Rédacteur: Serge Perraud jeudi 04 août 2011
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