Apportez-moi Octavio Paz

Les 'deux sœurs' ne s'aiment pas, mais rien ne saurait les séparer. Chacune représente pour l'autre le repère unique, le dernier bastion face au vide qui menace à tout instant de les aspirer. Si elles n'étaient pas si bêtes et mesquines, on pourrait les prendre en pitié.
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Roman - Policier

Apportez-moi Octavio Paz

Enlèvement - Assassinat - Faits divers MAJ lundi 15 août 2011

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 10 €

Federico Vite
Fisuras en el continente literario - 2006
Traduit de l'espagnol (Mexique) par Tania Campos
Paris : Moisson rouge, juin 2011
112 p. ; 21 x 13 cm
ISBN 978-2-914833-99-8

Failles burlesques sur le continent littéraire

Apportez-moi Octavio Paz, du romancier mexicain Federico Vite, est un roman picaresque de la pire espèce. De celle qui part dans tous les sens, qui montre les dysfonctionnements d'un système judiciaire très subjectif en s'arcboutant sur un onirisme forcené, une langue poétique pour énoncer des faits bruts, et des idées démentielles. En à peine cent pages, c'est toute l'absurdité d'un monde mise en avant de manière extrêmement jouissive.

Il y a d'abord le commandant Ojeda qui enquête sur la mort brutale d'un enfant dans sa salle de bains. Un dérapage incontrôlé sur une batte de base-ball. Mais Ojeda, proche de la retraite avec l'envie de se consacrer pleinement à ses nouvelles aspirations de romancier, décide d'accuser la mère, d'en faire un de ses personnages de fiction et de se tirer une balle dans le pied pour pouvoir tranquillement écrire chez lui. Il y a ensuite l'agent de police Roberto Pérez, qui transpire, doit composer avec la presse, ses supérieurs, qui joue de la torture et tient à ce que les éléments collent à sa vérité. Il y a enfin le légiste dont le seul tort est de se trouver là par hasard ou plus simplement parce qu'il n'a fait que son travail de légiste sur le corps de l'enfant. Corps qui a trop vite été incinéré, ce qui signera sa perte. Ces trois hommes gravitent alors autour de Nadia, mère de la victime, femme dont la beauté lascive ne laisse personne de marbre. Mais la résolution de l'enquête ne tient qu'au bon vouloir du commandant Ojeda à qui Pérez veut faire signer ses conclusions, qui ne sont qu'autant de mensonges. Alors qu'il copie très bien des citations de grands auteurs pour en faire un patchwork de roman pas inintéressant mais presque, le commandant Ojeda a néanmoins conscience que romancier ça ne s'improvise pas comme ça. Octavio Paz est le seul Prix Nobel de littérature mexicain. Lui seul peut l'aider. Alors il a recours aux bonnes vieilles habitudes de son milieu. Il signera ces conclusions de Pérez, ce qui clôturera l'enquête, si et seulement si Pérez lui apporte sur le pas de sa porte Octavio Paz. Ce qu'il va lui faire non sans avoir libéré un truand de la pire espèce en contrepartie d'un marché passé avec les ravisseurs, ouvrant alors une étrange boîte de Pandore...

Federico Vita excelle dans l'art de la désacralisation. Si l'on pressent l'hommage qu'il rend au regretté maitre d'une littérature mexicaine, il en fait aussi un personnage qui se fond dans son univers, et qui est donc digne d'être un membre à part entière d'une commedia dell'arte débridée. À la fois mesquin, calme et roublard, il va participer au retour à la morale d'une farce avant que, dans une ultime volte-face, l'immoralité conserve le dernier mot. Entre-temps, la mère éplorée aura été innocentée malgré sa culpabilité, sera devenue journaliste medium fricoteuse, et le pauvre Ojeda, bien évidemment, sera le dindon mexicain de la farce, ayant été victime d'un Octavio Paz qui aura trouvé dans ses mésaventures le sujet de son propre roman... À noter que devant le portrait qu'a réalisé Federico Vite du grand Octavio Paz, sa veuve outrée a obtenu le retrait de la vente de tous les exemplaires du livre au Mexique. Livre dont le titre original, Fisuras en el continente literario reflète parfaitement l'atmosphère à la fois burlesque et noire qui exsude pour mieux mettre à jour les collusions qui existent au Mexique entre la police et le grand banditisme, la police et les journalistes, la police et la police. Ce qui est fait un roman noir de la pire espèce, de celle qui nous fait rire tout en nous révoltant.

Citation

Clara n'arrivait pas à croire que son patron l'ait échangée, comme ça, comme une de ces filles de strip club, même si elle ressemblait à l'une d'elles. Le traitement qu'il lui infligeait était injuste.

Rédacteur: Julien Védrenne lundi 15 août 2011
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