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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Richard Cunningham
Paris : Jean-Claude Lattès, novembre 2011
414 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-7096-3557-8
Hommage à Trevanian
En 1979, Rodney William Whitaker alias Trevanian écrit Shibumi, un roman d'espionnage mettant en scène Nicholaï Hel, le fils d'une aristocrate russe et d'un militaire allemand né en Chine durant l'entre-deux-guerre. Nicholaï Hel, qui a reçu une éducation spirituelle japonaise, devient tueur malgré lui au début des années 1950 avant de s'installer au Pays basque, où il n'aura de cesse de lutter contre les agences de contre-espionnage qui veulent sa peau. Mais Trevanian avait laissé des zones d'ombre dans le parcours de cet étrange aventurier des temps modernes. Don Winslow a réuni des éléments historiques et géographiques avant de se lancer dans une immersion hommage à l'œuvre d'un auteur qui l'a impressionnée des années plus tôt lors d'une lecture attentive.
Shibumi est un terme japonais qui veut dire "élégance sans ostentation", pour son roman Don Winslow choisit lui aussi un terme japonais emblématique du périple que va suivre Nicholaï Hel, Satori, "pour voir les choses telles qu'elles sont". Et dans Satori, les événements et les hommes ont plusieurs significations, identités, objectifs. Au sortir de sa prison américaine, Nicholaï Hel devient un agent américain, formé à la provençale par une magnifique prostituée française au doux prénom de Solange. Son but est de se faire passer pour un trafiquant d'armes français chargé de vendre des lances-roquette au Viet-minh, afin d'approcher et de tuer dans la Chine de Mao, le redoutable Russe Voroshenine (qui entre parenthèses a spolié la richesse de la mère de Nicholaï Hel en plus de la violer). Nicholaï Hel, adepte du jeu de go, va ainsi se confronter à une horde d'adversaires avide de poker, de mahjong et d'échecs, le tout avec un tueur redoutable à ses basques, Le Cobra, un trafiquant d'opium américain, Diamond, la mafia corse implantée à Saigon, les communistes de Chine, la Légion étrangère française et les nombreux agents doubles ou triples, on s'y père un peu. Heureusement pour lui, il peut compter sur son sens du danger, ses prouesses techniques, son karma et son sang-froid sans compter l'aide inestimable d'un officier américain, d'un nain français libidineux et d'hommes à la loyauté surprenante.
Avouons-le, le début est un peu poussif, la faute peut-être à une traduction qui ne colle pas au style de Trevanian (auquel pourtant se réfère Don Winslow dans sa postface). Passé le premier tiers de l'ouvrage, on s'immerge dans un monde d'espionnage violent et réfléchi, on oublie que Don Winslow a emprunté le personnage de Trevanian, on est happé par une intrigue que n'aurait pas renié Hugo Pratt pour une de ses aventures de Corto Maltese. Car tous les personnages de cette intrigue ont cet apparat mythologique qui fait de Satori un bon voire très bon roman d'espionnage dans un monde de gentilshommes de fortune. Un monde noir qui ne laissera aucun répit à Nicholaï Hel, pour le plonger dans son propre enfer, car n'en déplaise à Jean-Paul Sartre, l'enfer c'est nous et pas les autres. Et Hel, ne s'en sortira pas indemne !
Citation
Nicholaï Hel, remarqua Voroshenine, était presque exactement du même âge que Michel Guibert. C'était une coïncidence, mais les hommes croyant aux coïncidences que connaissait Voroshenine étaient tous des hommes morts.