Contenu
Le Chien des Baskerville
Poche
Réédition
Tout public
Dominique Trouvé (présentation, notes, questions et après-texte)
Paris : Larousse, août 2011
304 p. ; 18 x 12 cm
ISBN 978-2-03-585087-4
Coll. "Petits classiques"
Le chien aboie, la caravane pédagogique passe
Présentation soignée pour cette édition scolaire du Chien des Baskerville, autant visuellement qu'intellectuellement, avec un appareil critique signé Dominique Trouvé tout à fait pertinent et où rien ne manque, de la biographie de l'auteur comme de la réception de son œuvre, voire de ses rapports avec ses lecteurs, si intransigeants qu'il dut se résigner à ressusciter son détective. Ce travail, bien évidemment, répond non pas à l'attente de son public scolaire, mais à celle des fonctionnaires et autres inspecteurs de l'Éducation Nationale, qui conditionnent naturellement la lecture de l'œuvre à sa structure technique : procédés du roman policier, systèmes d'énonciations, etc. Reste quelques ombres quant au présupposé de l'ensemble, quand mission est donnée à l'auteur de l'appareil critique d'évaluer l'œuvre à l'aulne d'un "message" possible, identifiable en classe, sur le monde tel qu'il va et les leçons que l'on doit en tirer. La morale de l'œuvre en quelque sorte, cet incontournable des classes enfantines reconduit pour des raisons mystérieuses jusque dans les classes de collège les plus tardives. Le schème déployé ici, avouons-le sans circonlocutions, est des plus troubles. C'est d'affirmer que ce roman convient bien à la violence de notre époque, et derrière lui, c'est tout le genre qu'il faut interpréter dans cette direction. Or, pour notre critique, la vocation du roman policier semble être celle du dévoilement de la face cachée de l'individu, folies, passions honteuses, pour révéler l'envers du monde normal... Un vrai paradoxe, car si, comme notre critique l'affirme, la normalité du monde est cette violence, cette folie, ces passions honteuses dont l'œuvre analysée témoigne avec force, on ne voit pas comment le genre en révèlerait l'envers, à moins de s'inscrire en faux contre cette violence, dans quelque angélique attente par exemple, celle, peut-être, que décrit l'auteur de cet appareil critique, quand il évoque le triomphe nécessaire de l'ordre dans la cité, au terme du récit policier. Mais ce triomphe qualifie-t-il tout le genre ? On le voit, l'exercice est des plus aventureux, qui conduit finalement à privilégier une vision tragique du monde qui intéresserait prétendument le lecteur contemporain du genre policier... Lequel lecteur irait chercher là une sorte de catharsis, si bien que la fonction du polar en tant que genre serait de se constituer en exutoire du dérèglement humain qu'il met en scène, ce qui, pour notre critique, expliquerait son succès... Le genre serait ainsi une forme de médication, voire, affirme sans broncher Dominique Trouvé, "l'équivalent du traditionnel conte de fée", où "les sorcières et les loups dévorent les enfants"... In fine, c'est du côté de la psychanalyse qu'il faut lorgner, l'outil psychologique devient ainsi le mieux qualifié pour décrypter le genre... Enfin, une formidable incongruité surplombe l'ensemble, qui cette fois n'est pas imputable à l'auteur de l'appareil critique mais au Ministère Français de l'Instruction Publique : il n'est signalé nulle part que le roman est traduit de l'anglais... Annexé au fonds français, nos collégiens en étudient la langue (dans une traduction inavouée) pour y apprendre leur propre langue, grammaire et vocabulaire compris... Avouez qu'il y avait peut-être mieux à faire et qu'en tout état de cause, on signe-là un curieux montage pédagogique !
Citation
Le gouvernement d'Istanbul s'inquiète de la présence de Sherlock Holmes en Turquie, car il pourrait être un espion redoutable.