Le Club des policiers yiddish

Non, je suis le pire des fils de pute, Luisa. Et je dois me faire face chaque jour. Dans le miroir, dans une flaque d'eau, quand je conduis, quand je mange et quand je vais aux chiottes. Et même quand je vois ce putain de ciel gris que vous avez par ici. Toujours.
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Roman - Policier

Le Club des policiers yiddish

Politique - Religieux MAJ samedi 21 février 2009

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Public averti

Prix: 21 €

Michael Chabon
The Yiddish Policemen's Union - 2007
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Isabelle D. Philippe
Paris : Robert Laffont, janvier 2009
482 p. ; 21.5 x 13.5 cm
ISBN 978-2-221-10879-6
Coll. "Pavillons"

Du rififi au pays des chapeaux noirs

Il existe un petit coin de paradis en Alaska où une communauté juive s'est installée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Si le soleil est au rendez-vous, il est accompagné de vent, de pluie, de neige. La neige, justement, il en est question quand on retrouve le fils du rebbé Verbover assassiné, de l'héroïne coulant dans ses veines. Mendel Shpilman, messie à ses heures perdues, est aussi un champion d'échecs précoce et génial qui a fui le foyer familial le jour même de ses noces pour finir ses jours dans une chambre d'hôtel miteuse. Fini l'homosexualité refoulée, les miracles en veux-tu en voilà. Le Rédempteur est mort. Là où il y a la goutte d'eau pour faire déborder la vase, c'est que ce crime a eu lieu quasiment sur le pas de la porte de Mer Landsman, un shammès, un flic juif, un individu qui se noie dans les souvenirs de son mariage gâché, sa carrière foirée et son alcool à profusion. Landsman est un expert pataud qui n'attend de la vie que la mort. C'est l'apanage des ratés et des désespérés que de pouvoir mettre les pieds dans les plats sans crainte ni remords. Au pays du crime, les rabbins sont rois. Tout est écrit. D'ailleurs, c'est dans les Écritures. Landsman s'énerve, Landsman s'agite, Landsman détruit des meubles, des fenêtres, des gueules, Landsman dégueule. De la bile, du sang, des balles. Il faut le retenir. Il dit ce qu'il fait. Il fait ce qu'il dit. Un ensemble de conneries. Sous le regard amusé, hautain, des chapeaux noirs qui ont pour eux l'argent, le bon droit, le silence, la mafia russe, la puissance de feu d'un croiseur qui baigne dans la baie de Mandchourie. Et quand ça ne suffit pas, le FBI entre dans la danse. Et ça, ça énerve. Qu'on lui fasse remarquer que depuis le début il a un pistolet à fléchettes, Landsman, ça ne peut que l'humilier, le réveiller. Sortir de sa torpeur. Dégommer à gauche, à droite. D'autant que sa sœur, l'intrépide Naomi, est morte de l'œuvre même de ces chapeaux noirs, ces intégristes qui cherchent à reprendre aux musulmans la terre d'Israël.

Michael Chambon propose un récit qui va à cent à l'heure, jubilatoire, où les mots chantent et pleurent à la fois. Il parsème son récit, une uchronie de première, d'une langue juive étrangère à beaucoup, exotique à souhait. Michael Chambon se joue des codes à merveille. Il délocalise Israël en Alaska. Là-bas, les indigènes sont moins féroces. Plus fatalistes. Au milieu de ces pages loufoques qui par moments rappellent le New York de Jerome Charyn, Michael Chambon traite de l'homophobie, de l'intégrisme, de la quête de soi, de l'estime de soi. Le final est absurde. Il y a des tunnels sous toute la ville. Des hommes sont helitreuillés par des forces américaines soucieuses de faire sauter le Dôme du Rocher à Jérusalem pour mieux déclencher la Troisième Guerre mondiale. Époustouflant.

Citation

Le problème vient des heures où il ne travaille pas, où ses pensées se mettent à s'envoler par la fenêtre ouverte de sa cervelle à la manière des pages de buvard.

Rédacteur: Julien Védrenne vendredi 30 janvier 2009
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