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Théorie du crime parfait : contribution à une définition juridico-éthique de la violence morale
Poche
Inédit
Public connaisseur
86 p. ; 17 x 10 cm
ISBN 978-2-84485-417-9
Coll. "Petite collection"
Le crime parfait dans une démocraties d’usuriers...
Par crime parfait, Jil de Rauc entend ces violences symboliques, morales plus que psychologiques, dont la Justice ne peut se saisir ou dont elle éprouve le plus grand mal à définir les manifestations. C'est évidemment le fait social de cette violence morale qui l'intéresse, violence qu'aucune étude statistique n'a pu à ce jour clairement délimiter.
Comment la mesurer en effet ? Par les outils de la seule psychologie, au risque de voir cette détermination toujours contournée ? Jil de Rauc tente donc moins de l'établir objectivement que de définir les conditions de possibilité des coups et blessures symboliques, entendus comme symptômes d'une société malade. Malade, mais de quoi ? De ses vertus démocratiques... Et cela, tout simplement parce que dans une société démocratique, l'État ne peut légiférer sur la définition de la Vie Bonne, qu'il appartient à chacun de définir. Le crime parfait (moral) est ainsi celui qui "permet de ne rien faire de ce que la morale commande, parce que nulle part il n'est écrit que la Loi y oblige, et qui permet de faire ce que la morale réprouve, parce que nulle part il n'est écrit que la Loi l'interdit".
Pour exemple, la maltraitance morale des enfants, vrai meurtre psychique à force de blessures symboliques, ou dans un autre registre, l'exercice légal de la violence économique : on légifère sur le revenu minimum, mais sous pression politique, sans considération pour l'état de misère réelle, matérielle, physique, morale et psychique dans lequel ce revenu minimum plonge des millions d'être et cela, sans que personne n'y trouve à redire. Pourtant la misère tue. Insidieusement. On sait même mesurer statistiquement ses effets, la mort prématurée au bout. Mais le Droit se refuse à inscrire cette violence au registre des crimes punissables. Cela ne viendrait du reste à l'esprit de personne de la penser comme en relevant. Ce crime est donc parfait au sens où les effets de cette violence ne sont perçus ni par les victimes, ni par leurs bourreaux. La violence morale relève donc d'un ordre social que ne garantit pas le système juridique.
Si la définition qu'en donne Jil de Rauc paraît peu opératoire – "un crime dont l'auteur et sa victime sont les seuls témoins" - au sens où il se condamne, avec pareille définition, à faire entrer dans cette catégorie nombre de crimes punis par la loi, en revanche, les implications sociales de sa réflexion méritent qu'on l'entende. L'usage morale que l'on fait de la liberté, dans une démocratie, ne peut être légalisé. Un vide s'installe donc dans l'usage de cette liberté, faisant de chacun de nous un usurier de Droit qui s'autorise de tout ce qui n'est pas interdit et se dispense volontiers de tout ce qui n'est pas obligatoire, érigeant l'égoïsme au rang de vertu nationale, et transformant notre société en démocratie d'usuriers peu soucieux du bien-être de tous...
Cela dit, cette faiblesse structurelle que l'auteur pointe n'est jamais que contingente : il nous revient toujours de mieux définir notre vivre ensemble, plutôt que de céder à ce qu'il nomme avec beaucoup d'à propos une conception thénardière de l'expérience démocratique, au sein de laquelle la mesquinerie fait foi de règle commune. Mesquinerie qui a pour corollaire une politique de moindre coût moral, impulsée généralement depuis le sommet de l'État, sacrifiant de fait la Justice à l'ordre économique (sinon financier du monde), et dont les conséquences sont de lessiver la société de tout désir de justice sociale, au plus grand préjudice de cette société elle-même, tôt ou tard rattrapée par le démon qu'elle a produit. Autant dire qu'aucun crime n'est parfait...
Citation
fleuriront, dès lors, ces points aveugles du droit si propices à l'exercice d'une police sauvage des conduites leur tenant lieu de contrôle social.