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Ruines rouges
Pour ceux qui s'imaginent que l'Europe s'arrête à Bruxelles, on leur conseillera de lire Milieu hostile, le dernier roman de Thierry Marignac, qui se déroule pour une bonne part dans l'ancien bloc de l'Est, qui fut aussi le dernier empire du XXe siècle finissant. Mais écrire sur des ruines n'est pas une chose simple : il faut s'imprégner des lieux, respirer çà et là un climat fait de désolation et de nostalgie, un peu comme un reporter du passé qui reviendrait sur le terrain d'une civilisation disparue et dont il ne resterait que des usines en voie de fossilisation.
Pour ce faire, Thierry Marignac fait reprendre du galon à son personnage favori, un certain Dessaignes, ex-facilitateur d'ONG en Russie et qui achève de se morfondre sous la canicule de Sébastopol, où la bière facilite l'abrutissement généralisé. Sous le regard de Dessaignes, on découvre un pays, l'Ukraine, où le capitalisme se résume bien souvent à une guerre des gangs se partageant fortunes et territoires. Bref, c'est le foutoir au milieu des ruines. Mais les affaires continuent et il n'y a pas de raisons pour qu'elles s'arrêtent, d'autant qu'une mystérieuse épidémie de syphilis semble se répandre du côté de Kiev...
On comprend bien vite que cette pseudo-épidémie n'est qu'un bon moyen trouvé par un labo pharmaceutique allemand pour refourguer aux Ukrainiens des médicaments dont ils n'ont pas besoin. Seulement, quand en plus la corruption locale vient s'en mêler, on comprend aussi que certains ont tout intérêt à ce que le Tréponème pâle continue son petit bonhomme de chemin pour le plus grand bonheur des industriels et des politiciens pourris.
Voilà dans quel marigot nous plonge le roman de Thierry Marignac. C'est désolant à souhait et c'est bien pour ça qu'on en redemande. C'est noir, poisseux, violent comme un coup de lame, et traversé par moments de magnifiques descriptions qui font parfois de ce livre une sorte de poème en prose, une méditation sur les ruines d'un empire révolu, mais dont le passé semble presque plus radieux que les ténèbres dans lesquelles s'enfonce un pays qui a perdu tout idéal.
Citation
La vie irriguait de nouveau ses artères, mais elle était stérile.