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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'espagnol (Argentine) par Hélène Serrano
Paris : Asphalte, novembre 2011
192 p. ; 18 x 13 cm
ISBN 978-2-918767-16-9
Coll. "Fictions"
Ville au bord de la crise de nerf
Si toutes les villes argentines ressemblent à celle dépeinte par Leandro Ávalos Blacha dans Berazachussetts, on comprend mieux que ce pays soit le plus psychanalysé du monde. Freud doit même se retourner dans sa tombe à l'idée de tout l'argent qu'il n'a pas pu se faire vu le prix de ses consultations d'antan.
Avant d'éclater sa ville, l'auteur choisit de nous présenter des amies qui vivent en colocation et en parfaite harmonie. Cette harmonie dure à peu près deux pages et demie, le temps qu'elles découvrent une zombie, que l'une décide de se faire l'homme le plus influent de la ville et qu'une autre se retrouve victime d'un viol filmé par le fils de l'homme le plus influent de la ville. Ce n'est qu'un aspect du sordide de l'histoire (passons sur la femme bétonnée vivante). Avant ces trois faits, il y avait un certain équilibre. Après, le déséquilibre est flagrant et frappant. Les Argentins sont des gens de cœur, et ils ne font pas les choses à moitié. Il est beaucoup question de sexe, de trahison, d'argent, de vengeance tardive, de yerba, de tuco mais surtout de cumbia. La révolte gronde dans une ville martyrisée par une certaine diaspora incarnée par Saavedra. Il sera bientôt temps pour les zombies de se lever de leur tombe et de quitter le cimetière pour envahir la cité. Pour l'heure, une paraplégique en fauteuil roulant, Periquita, sème le trouble de sa vindicte et de ses frustrations sexuelles. Longtemps on a cru que celle qui au périple de sa vie avait sauvé la ville d'une catastrophe, était devenue lobotomisée. Les habitants reconnaissants l'hébergeaient à tour de rôle sans se soucier d'étaler devant ses yeux leurs petits secrets. Depuis, elle détient un pouvoir de nuisance terrible, qu'elle conserve derrière un regard angélique et froid. Et puis il y a cette femme bafouée que tout le monde croit morte et qui joue les revenantes. Sans compter celle qui assassine une deuxième fois son mari. Sans compter ce couple qui promène le fantôme de leur nourrisson. Sans compter le chaos qui prend le temps de s'installer.
On est à la limite de la farce picaresque teintée d'un noir abracadabresque à la Pierre Siniac. Le roman en lui-même est ce que l'on appelle couramment un OLNI, un Objet Littéraire Non Identifié (non identifiable on pourrait rajouter). Il faut s'accrocher, le lire d'une traite, se laisser embarquer dans une danse endiablée (car enzombiée n'existe pas) où tous les coups surtout les plus vicieux et du plus mauvais goût sont permis. Accepter le fait que les protagonistes campés par Leandro Ávalos Blacha sont des excroissances de nos vices, et que le monde n'est plus qu'une farce vaste et absurde, pour se laisser aller dans un roman sombre, caustique et drôle, empreint d'une douce poésie à peine entachée par le gore et le glauque des situations.
On en parle : L'Indic n°11
Citation
Qu'est-ce que c'est que ça ? Encore une femme violée ?