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La vision d'ensemble fait défaut. Personne n'ose imaginer qu'un artiste est capable d'apporter du sens à un ensemble d'événements éloignés, de les combiner par la seule force de son esprit et de le constituer en une œuvre personnelle, voire un chef d'œuvre d'inédit. Personne, y compris ceux qui le mettent au plus haut, n'accorderait un tel pouvoir à l'art.
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De Chandler à Nozière en passant par Hammett et Chase

Mardi 24 mars 2009 - 26 mars 2009 : cinquantième anniversaire de la mort de Raymond Chandler, un des "papas" de la littérature noire américaine. S'il est un auteur français dont les romans sont imprégnés des Chandler et autres Hammett, c'est bien Jean-Paul Nozière, l'écrivain à la ville imaginaire de Sponge. L'occasion de revenir en sa compagnie sur quelques souvenirs de lecture à l'époque où, dans sa famille, lire Agatha Christie était mieux vu qu'ouvrir une "Série noire !"
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© D. R.



k-libre : Que représente pour vous Raymond Chandler ?
Jean-Paul Nozière : Raymond Chandler n'a été qu'un de mes "papas" de la littérature policière. Entre 14 et 25 ans, j'ai à peu près lu tous les titres qu'avait publié la "Série noire" entre 1945 et 1960, dans les fameux volumes cartonnés noir-jaune(j'enlevais la jaquette noire, quand elle existait encore. Je n'aurais pas dû !). J'adorais Chandler, mais j'adorais tout autant Peter Cheyney, Chase, Goodis, Charles Williams, McBain, Chester Himes et bien d'autres. J'ai, bien sûr, tout oublié de ces lectures si lointaines dans le temps... mais je n'ai pas oublié ce sentiment de beauté et de puissance des textes découverts à cette époque. La lecture de ces maîtres a été une révélation d'une incroyable intensité et je dis souvent, dans les entretiens avec mes lecteurs, que parmi les raisons qui m'ont amené à l'écriture, à mon tour, figure en bonne place cette rencontre avec la "Série noire" de cette époque (en 1960, lire Chandler et les autres n'était pas aussi "bien vu" qu'aujourd'hui ! Dans le milieu qui était le mien, il était à la rigueur acceptable de lire Agatha Christie, Dorothy Sayers, bref les bouquins du Masque, encore que il fallait ne pas en abuser, mais les romans noirs de Gallimard, ah non !).

Quels sont vos souvenirs de votre première lecture d'un écrit de Raymond Chandler ? Quel était l'ouvrage en question ? Quel roman vous a laissé la plus profonde impression ?
Mes souvenirs ? Je n'en ai plus. J'ai tout oublié, je vous l'ai dit. Seule l'imprégnation est restée, ce choc littéraire. Si je creuse un peu, je pense que Adieu ma jolie et Le Grand Sommeil ont dû être deux pierres marquantes. Mais il est difficile de se souvenir de titres précis, surtout quand le cinéma est venu s'incruster par-dessus ses lectures : est-ce que, en pensant au Grand sommeil, j'évoque le livre de Chandler... ou bien ma mémoire mélange-t-elle Bogart et Chandler dans un inextricable merdier mental ?

Vous êtes Philip Marlowe ou Sam Spade ? Chandler ou Hammett ?
Philippe Marlowe, sans hésiter. Parce que j'ai tout oublié, certes, mais pas l'humour du personnage. Et Hammett (je vais faire hurler... surtout Natalie Beunat !*) n'a pas été un de mes "papas".

S'il n'y avait pas eu Humphrey Bogart, Philip Marlowe aurait été ?
Mais il y a eu Humphrey Bogart et ce n'est pas à moi qui ai baptisé un chien Bogart, un personnage de quatre de mes romans parus au Seuil, que vous ferez dire que Marlowe aurait pu être...

Avec Adieu mes jolies, vous plantez vos personnages fétiches dans votre ville fétiche de Sponge pour mieux plonger le lecteur dans un hard boiled trépidant. Hommage ou désacralisation, ou les deux ?
Un hommage... mais un hommage très composite, puisque le titre est emprunté à Chandler, un personnage Sam Spade à Hammett et l'histoire... l'intrigue est un hommage à Donald Westlake, dont je venais de lire Histoire d'os et ce roman m'avait fait tellement hurler de rire que je voulais faire un clin d'œil : mon héros, Alix-Alix, recherche le nombril en diamant de Sainte Radegonde. Les lecteurs d'Histoire d'os comprendront.

Y a-t-il d'autres romans où vous rendez hommage à un des pères du roman noir ?
Ah oui ! Rendre un hommage à ses "papas", quel bonheur de pouvoir le faire ! Un clin d'œil au-delà de la mort, une façon de leur dire, si modestement, qu'ils ont compté dans votre vie et que c'est formidable de pouvoir leur adresser ce petit "coucou". J'ai publié un roman dont le titre est Pas de pourliche pour miss Blandiche, un autre Sabbat chez les ploucs, deux titres dans des collections pour adolescents qui décalquent James Hadley Chase et Charles Williams. Paraîtra en septembre, dans la collection "Suite noire" des éditions La Branche Des manches et la belle, encore un décalque de James Hadley Chase.
Voilà en gros ce que je peux vous écrire. Merci à vous, non seulement d'avoir chroniqué Adieu mes jolies, mais de m'avoir adressé ce questionnaire qui m'a ramené à Chandler et, avec lui, à tous ces auteurs de romans noirs qui ont tant compté.

* Natalie Beunat est une grande passionnée de littérature noire. Elle co-dirige "Souris noire" et "Rat noir", deux collection pour la jeunesse, aux éditions Syros.


Liens : Jean-Paul Nozière | Raymond Chandler | Dashiell Hammett | James Hadley Chase | Le Grand sommeil | Adieu mes jolies Propos recueillis par Julien Védrenne

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