Contenu
Poche
Inédit
Tout public
BAC affable
"Il n'y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations que celui de liberté." C'est Montesquieu qui parle par la bouche de Yasmina, dans ce premier et bon roman de Gérard Lecas, Le Corps de la ville endormie. Liberté et par extension tolérance sont au cœur de l'intrigue.
Yasmina est stagiaire à la BAC, cette brigade chargée d'ausculter ce corps du XIXe arrondissement parisien entre les rues des Pyrénées, de Belleville et Haxo. Elle, d'origine algérienne, est sous les ordres de Danny Perez. Dès le début, ils commettent l'irréparable. Ils couchent ensemble. Pire, ils sont même amoureux l'un de l'autre. Mais Yasmina va découvrir un peu brutalement que Danny est juif. Le clash est violent dans la nuit sombre alors qu'ici un tagueur cinquantenaire sur les murs d'un couvent clame les sœurs assassines, et que là un agriculteur incendie à répétition la porte d'une femme. La BAC, la nuit, c'est avant tout un travail sécuritaire où le sang-froid est important. Dans ce roman, très court et dense, fortement influencé par des auteurs tels Hugues Pagan et Frédéric H. Fajardie, Gérard Lecas règle ses comptes avec les grandes religions monothéistes. Il y est question du conflit entre Israél et la Palestine, et la trame principale nous heurte de plein fouet avec les silences honteux de la religion catholique, la traite des corps. Car au milieu de ces petites enquêtes très vite élucidées - ici, nul assassin machiavélique ni même méticuleux, le suicide d'une très jeune femme enceinte, cyclothymique prononcée, abandonnée trop tôt par ses parents, prise en charge par les sœurs du couvent de la Sainte-Croix, va servir d'exutoire religieux aux deux protagonistes de cette histoire. Ils sont exacerbés, ancrés dans leurs convictions, et pourtant chacun porte un fardeau familial plus ou moins lourd, qu'il va devoir affronter pour trouver une solution acceptable à sa sourde colère, qui va l'aider à... à quoi ?
Gérard Lecas avec toute la maturité d'un bon écrivain se garde bien d'un épilogue à rallonge, et laisse toutes les fins possibles à son roman où ne se décèle aucune longueur, aucun mot de trop. On lui souhaite d'abandonner ses personnages, et de nous revenir très vite avec un nouveau sujet, et cette concision, qui est une force romanesque.
On en parle : La Tête en noir n°157
Citation
Il n'y avait aucune trace de lutte dans l'appartement, ni de coups sur le corps de la fille, c'était écrit noir sur blanc dans le rapport. Le meurtre déguisé en suicide, c'est un bon sujet de roman, mais dans la réalité, ça n'arrive qu'une fois sur mille.