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Police judiciaire : 100 ans avec la crim' de Versailles
Grand format
Inédit
Tout public
Paris : Jacob-Duvernet, mars 2012
440 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-84724-380-2
Les affaires sont les affaires
Dans la lignée des pavés historiques sur les hauts lieux de la Police Judiciaire, comme le fameux 36 Quai des Orfèvres (lire à ce sujet l'ouvrage de Claude Cancès, Histoire du 36 quai des Orfèvres), en voici un autre consacré à la PJ de Versailles créée par Clemenceau en 1907. Elle couvrait, à l'origine, la Seine-et-Oise, l'Oise, la Seine-et-Marne, l'Eure-et-Loire et avait un "droit de suite dans Paris intra-muros". Danielle Thiéry, l'une des premières femmes commissaires de police devenue, depuis, auteur à succès de gros thrillers, fait tandem cette fois-ci avec Alain Tourre, quinze ans de SRPJ de Versailles dont trois comme directeur, pour dresser le parcours de cette prestigieuse maison.
L'ouvrage suit la chronologie des événements. Après un cours d'histoire sur la création de la ville de Versailles et celle de sa première brigade mobile de police judiciaire très mal perçue par la Préfecture de Police de Paris dont l'aura est écornée, les auteurs entrent dans le vif du sujet avec un gros dossier sur "La Bande à Bonnot" qui réalise le premier braquage en voiture en 1911. Suivent deux affaires mineures (des crimes de vieilles dames à Chailly-en-Brie et Neuilly-Plaisance) très symboliques de cette époque avant "L'Affaire Landru" là aussi très développée. Autres gros dossiers : le tueur Weidmann (dernier décapité en public), le faux marquis Alain Bernardy de Sigoyer, et les bandits des années 1940, Émile Buisson, Abel Danos et Pierre Carrot. Les auteurs s'attardent après-guerre sur "Monsieur Madeleine", l'archétype du voyou à l'ancienne, "45 ans de prison sans une goutte de sang versé", qui dut certainement inspirer certains personnages de films du Milieu à la française.
Avec l'enlèvement du petit Éric Peugeot en 1960, celui de Luc Taron (par Lucien Léger) en 1964, et celui d'Emmanuel Maillard en 1967 enlevé et assassiné par un gamin de quinze ans, nous entrons dans la période moderne. Thiéry et Tourre traitent la période Algérie OAS, SAC avec l'Affaire Ben Barka et celle du meurtre du Commissaire Galibert. Gros dossier fort bien monté pour l'Affaire Markovic en 1968, commissionnaire d'Alain Delon, ex-relation de Nathalie Delon, à l'origine d'un scandale où des âmes malintentionnées tentèrent d'y plonger le couple Pompidou. Après un détournement d'avion et la première arrestation de Mesrine, voici la première évasion de prisonniers (Beaumont et Dupré) en hélicoptère le 27 février 1981 (il y en aura quinze autres jusqu'en 2007). Avec "L'Affaire Bernard Pesquet" (un triple meurtre en 1976), Alain Tourre livre son rapport d'enquête.
À partir de ce moment, le livre devient plus carré, plus procédural, avec un style proche de l'enquête, assez sec, avec des fiches de plus en plus courtes. La tragique virée du tueur Maupetit, la mort du couple Van Linden retrouvé dans l'eau attaché à un diable, le meurtre de la petite Odile (très œil froid du légiste) en 1976, et l'assassinat de Jean-Louis Fénoglio (avec deux amis), membre du trio de chanteurs "Les Ménestrels" précèdent vingt-cinq pages sur "L'Affaire Robert Boulin". Malgré l'absence de mention dans le livre, on reconnaît la photo de son cadavre dans le montage de couverture. Là encore, on sent le professionnalisme des auteurs qui concluent au suicide et écartent toutes les hypothèses de meurtre (commandité ou non). "Bien qu'on ne méconnaisse pas tout ce qu'un homme qui a des ambitions politiques est capable de faire pour éliminer un adversaire, les assassinats d'État restent extrêmement rares en France. Les assassinats politiques connus ont tous été soit revendiqués, soit élucidés, quel que soit le temps que cela ait pu prendre. Aucun d'entre eux n'a été maquillé en suicide." Et plus loin : "Les suicides, sont, en revanche, dans le personnel politique de haut niveau, beaucoup moins rares. Rappelons-nous Roger Salengro, Pierre Bérégovoy, François de Grossouvre et quelques autres. Chaque fois la même tentation renaît de chercher la faille."
Suivent les affaires du tableau de Bosch volé par la première mouture d'Action Directe, celle de l'assassinat du Général Audran et autres attentats d'Action Directe, le Braqueur Solitaire et les disparues de la RN20. Olivier Marchal, ex-flic et désormais réalisateur à succès, a enquêté sur le pervers sexuel Serge Leclerc qui tua le couple Leverrier en 1982 à Ozoir-la-Ferrière. Autres affaires très connues : celle d'Alexis, dix-sept ans, qui tua six adultes par balles en épargnant sa sœur de deux ans, et l'infirmière "euthanasiste" Christine Malèvre. Grâce à quelques exemples bien choisis les deux auteurs reviennent sur les progrès de la recherche ADN qui permettent de résoudre des affaires parfois très anciennes et concluent sur deux énigmes non résolues : le meurtre et le viol de la petite Sabine Dumont en 1987, et la disparition à Guermantes en 2003 de la petite Estelle Mouzin. "L'affaire Mouzin ce n'est pas gigantesque, c'est titanesque : 8500 PV ce qui fait 40000 feuillets au moins. C'est une enquête hors norme qui a coûté une fortune. C'est du jamais-vu. Dans toute l'histoire de la PJ, il n'y a aucun équivalent." (Commandant Stéfanie Duchatel).
Lesté de copieuses annexes sur l'organisation de la Direction Régionale de la Police Judiciaire de Versailles (DRPJ), l'ouvrage de Thiéry et Torre aborde de grandes affaires criminelles célèbres ou méconnues toutes passionnantes. De plus, le style précis, quelque fois un peu trop "service-service", colle bien au contenu avec, en filigrane, son hymne à ces travailleurs acharnés de la vérité et du deuil nécessaire que sont les policiers.
Citation
Mais qu'évoque Versailles, au juste ? Le Roi Soleil, le château et les jardins de le Nôtre, les splendeurs de la royauté ? Qui sait qu'à Versailles est installée une Direction régionale de la Police judiciaire, un des plus importants services territoriaux de la Direction centrale de la Police judiciaire de France ?