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Malfront : les fantômes de la combe
Grand format
Inédit
Tout public
360 p. ; 24 x 15 cm
ISBN 978-2-84878-126-6
Ces chênes qu'on enracine
À côté des écrivains classiques de la littérature policière française, qu'ils se spécialisent dans la dimension politique (Jean-Patrick Manchette ou Didier Daeninckx), dans le jeu oulipien (Jean-Bernard Pouy) ou la dimension plus psychologique (Georges Simenon ou Pierre Magnan), il y a des francs-tireurs comme Charles Exbrayat ou Pierre Véry. Gérard Coquet se situe sans doute dans cette dernière lignée, à mi-chemin entre l'implantation dans un terroir, dans la description fine et poétique de ces habitants campagnards, et en utilisant un fantastique discret.
En ce qui concerne l'aspect policier, c'est évidemment la rencontre entre une équipe d'enquêteurs venus dans l'arrière-pays lyonnais pour y découvrir qui a commencé une carrière de tueur en série. Avec un commissaire perplexe car sont exposés des liens avec le grand banditisme dans ces meurtres. Et comment concilier le grand banditisme et ses sombres remugles avec cette vie campagnarde où les morts se retrouvent couchés dans les tas de fumier et où le notaire savoure des petits plats dans l'auberge locale ? Le fantastique est assuré par une idée très intelligente. Le meurtrier pourrait être associé à une malédiction familiale qui dure depuis des générations. Or, cette malédiction plutôt que d'être rapportée par des légendes ou des rumeurs, est décrite par quelqu'un qui la porte et l'a vécue depuis le début : un gland devenu le chêne du Diable et qui étend ses racines sous tout le village ce qui lui permet d'entendre tous les ragots et d'en jouer.
En détaillant les personnages, en noyant son intrigue dans les non-dits villageois, les soirées alcoolisées des uns et des autres, les troubles révolutionnaires, des grimoires de sorcellerie et des rêves étranges, en le ponctuant par des dialogues patoisants savoureux, Gérard Coquet met en avant une province éternelle (mais bien réelle) où la bouffe et le sexe sont importants, où la vie s'oppose aux forces de mort dans un va-et-vient incessant, dans un récit qui n'imite pas ceux de Pierre Véry mais les renouvelle de manière contemporaine, un peu plus sombre (la période est peut-être plus morose), mais avec la même empathie pour les personnages et le même sens d'une poésie simple découlant des sensations immédiates et de la proximité des morts, des fantômes et des arbres qui vous chuchotent à l'oreille de bien mauvaises actions pour offrir des âmes à Lucifer.
Citation
Depuis des siècles, des poupées de cire, habillées de haillons volés aux morts, sont lardés d'aiguilles et enterrées au pied du chêne surplombant la gouille de Malfront.