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Les Grands procès de l'histoire - volume 4
Grand format
Réédition
Tout public
170 p. ; illustrations en noir & blanc ; 22 x 16 cm
ISBN 978-2-917254-41-7
Mon fauteuil pour un empire
Quelle bonne idée de ressortir ces écrits du fameux avocat Henri-Robert (il tenait à ce trait d'union, oublié dans cette édition) qui devint célèbre en défendant Gabrielle Bompard, la complice de Michel Eyraud, dans le meurtre de l'huissier Gouffé qu'ils pendirent avant de dissimuler son cadavre dans une malle expédiée à Lyon en 1889. Il s'occupa aussi de la défense de la célèbre Thérèse Humbert, l'escroc en faux héritage en 1903. Né à Paris, le 4 septembre 1863 et mort le 12 mai 1936, il était enfant naturel, né de père et mère inconnus qu'on appela Robert Henri. Il adoptera plus tard le nom composé Henri-Robert. Sa petite-fille Colette Dernis affirme dans Mon grand-père, le bâtonnier Henri-Robert, (édition de l'auteur à Paris en 1980), qu'il était le fils naturel du Duc de Morny ! Il se marie avec Suzanne Level, fille d'Émile Level (ingénieur et maire du XVIIe arrondissement parisien). Leur fille Jeanne Henri-Robert épouse en 1912 Paul Reynaud (1878-1966), président du Conseil. Le couple aura une fille unique, Colette Reynaud,épouse Dernis, dont nous parlions plus haut. Henri-Robert est nommé bâtonnier du Barreau de Paris de 1913 à 1919, et est élu à l'Académie Française en 1923. À sa mort, son siège sera occupé par Charles Maurras (1868-1952), futur pilier du mouvement antisémiste et monarchique l'Action Française qui soutiendra Vichy et dont le procès en 1945 aurait certainement passionné son prédécesseur...
Hormis son travail purement judiciaire, Henri-Robert publia sa série Les Grands Procès de l'Histoire en une dizaine de volumes chez Payot tout le long des années 1920. Decoopman est spécialiste de rééditions de récits de voyage ancien et surtout de traités de sciences et techniques du XIXe siècle. L'éditeur reprend donc la série de Henri-Robert (il en est au livre VII) dans une maquette séduisante avec un beau papier et les jolies vignettes d'origine ; autant de documents bien choisis destinés à élargir la lecture. Henri-Robert, et c'est étonnant, ne se focalise pas sur la procédure. Il préfère mettre de côté les atermoiements de la justice et surtout ses codes qui ont bien changé depuis. Il préfère se lancer avec gourmandise dans de longues épopées où il place non seulement son "héros" mais aussi ses satellites. Dans un style fleuri qu'on n'a plus l'occasion de lire actuellement où l'imparfait du subjonctif reprend ses droits, il ne tombe pourtant jamais dans l'emphase, et ça, c'est un miracle. Le voilà qui s'embarque dans des phrases qui n'en finissent plus (lire citation) où l'on reconnaît le souffle du plaideur car tout est question de respiration. Ses portraits sont subtils. L'auteur prend un réel plaisir à nous décrire le physique de La Grande Mademoiselle (Duchesse de Montpensier, 1627-1693) qui se lança dans la bataille de la Fronde, leva des troupes et fit tirer les canons de la Bastille sur les troupes royales. Il fait feu de tout bois et allie très souvent l'humour à la documentation. Dans l'énigme du Masque de Fer, il démontre que Voltaire est à l'origine de la "légende" et que le prisonnier ne portait qu'un "loup de soie". Henri-Robert isole une identité (sur vingt-deux hypothèses) du mystérieux prisonnier et semble sûr de son choix : celle du comte Matthioli (mais, parmi les sources actuelles, l'article complet sur Wikipedia semble réfuter cette possibilité). Henri-Robert montre son érudition d'historien académicien en détaillant tous les personnages et tous les noms, si bien que, parfois, on n'est pas loin du Bottin Mondain. Sans doute, cette fascination pour les noms nobles, cette précision pour les listes, est-elle un signe de son auguste naissance cachée ? Autre destin hors du commun, celui du Maréchal Ney (1769-1815), nommé pair de France par Louis XVIII, surnommé "le brave des braves" grâce à ses batailles sous la Révolution et l'Empire, et qui rallia Napoléon lors de son retour pendant les Cent-Jours. Jugé par ses pairs pour trahison, il fut fusillé. Henri-Robert nous conte son parcours, ses engagements et surtout les manœuvres royales qui imposèrent le verdict aux pairs. La mort du Maréchal, avec la reproduction de sa dernière lettre destinée à son beau-père ainsi que celle du tableau impressionnant de Gérome, clôt ce recueil pour les amateurs de récit historique de veine classique.
NdR - Les Grands procès de l'histoire - volume 4 comprend "La Grande Mademoiselle", "Le Grand Condé", "Le Masque de fer", "Le Roi Murat & "Le Maréchal Ney".
Citation
Ayant eu cinq chevaux tués sous lui, sa cavalerie anéantie, ses vêtements criblés par la mitraille, tête nue, le visage noirci par la poudre, seul debout parmi les mourants et les morts, dans la lueur tragique du feu incessant des canons ennemis, il avait empoigné le fusil d'un grenadier tombé à ses côtés et voulait lutter encore, lutter farouchement contre toute espérance sur l'immense champ de bataille envahi par la nuit où s'élevait de toutes parts la plainte déchirante des agonisants...