Contenu
Poche
Inédit
Tout public
Traduit de l'islandais par Marie de Prémonville
Paris : Points, mars 2012
477 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-7578-2479-5
Coll. "Policier", 2805
Chasse aux sorcières
Nouvelle venue dans le polar islandais, Yrsa Sigurdardóttir choisit de nous plonger dans les affres des sorcières du Moyen Âge, brûlées sur les bûchers de l'arbitraire bien pensant de l'époque, ressuscités sous forme de scarifications effrayantes subies par le corps d'un jeune étudiant allemand, assassiné au sein de l'université. Harald, issu d'une famille aristocratique allemande, en délicatesse avec elle malgré les subsides qui lui parvenaient chaque mois et lui permettaient de mener une vie de fête et d'excès, étudiait la chasse aux sorcières en Islande avant qu'on lui arrache les yeux et que son cadavre tombe littéralement sur les épaules du vieux professeur acariâtre Gunnar un lundi matin à l'ouverture des bureaux.
Quelques jours plus tard, Frau Guntlieb, la mère de Harald joint par téléphone Thóra Gudmundsdóttir, juriste associée, et lui propose de mener sa propre enquête car son mari et elle ne sont pas convaincus de la culpabilité de Hugi, le jeune homme arrêté par la police, sans compter qu'ils souhaitent aussi être en contact avec quelqu'un qui parle leur langue. Avant même que Thóra ait pris une décision, un rendez-vous avec l'homme de confiance de la famille Guntlieb est fixé pour elle et elle rencontre Matthew Reich dans le plus ancien hôtel de Reykjavik. À partir de cet instant, la relation entre ces deux caractères antagoniques, lui froid et moqueur, elle nature et maladroite, jalonne le roman et l'on s'attend à tout moment à ce que la confrontation qui les oppose finisse par les unir. Thóra accepte sa mission, en considération de la manne financière non négligeable qui lui est offerte.
C'est en duo qu'ils se mettent au travail, elle comme avocate désignée par la famille du défunt et lui comme ami de la famille. Il apporte son concours en l'éclairant sur la nature des relations familiales surtout. Ils interrogent Hugi Thórisson qu'ils visitent en prison. Le doute s'installe dans l'esprit de Thóra après cette première confrontation et décide d'aller sur les traces des recherches en sorcellerie de Harald pour découvrir la vérité. Ils croisent aussi les amis d'Harald, de jeunes étudiants comme lui, avec lesquels il avait formé une société de sorcellerie, prétexte à faire la fête, organiser des orgies et où la drogue prenait une place prépondérante. Les jeunes ne sont guère coopératifs ni bavards et toutes les suppositions sont permises. Il appert que Harald était un anti-conformiste, solitaire et malheureux qui, grâce à l'argent reçu de sa famille, s'était composé une petite cour toute dévouée à sa cause, tant que la drogue et l'argent coulait à flots.
Yrsa Sigurdardóttir ne lésine pas sur les détails des sacrifices de sorcières, au risque de perdre le lecteur par l'abondance d'informations sur la question, Thóra se plongeant même dans la lecture du Malleus Maleficarum, recueil censé apporter un éclairage sur la personnalité de Harald. Le polar est prétexte à décrire la désespérance de la jeunesse islandaise, en mal d'émotions fortes propices à l'évasion. L'auteur manie également l'humour dans son récit, notamment avec le personnage de Bella, la secrétaire antipathique de Thóra contre laquelle elle se casse à chaque fois les dents, Matthew réussissant lui à l'amadouer, ce qui a le don d'énerver Thóra. L'idée de mettre en avant une femme, Thóra, confrontée à ses propres problèmes ménagers, elle est divorcée et mère d'une petite fille et d'un adolescent avec lequel elle peine à ouvrir le dialogue, est intéressant même si sa relation avec le taciturne Matthew frise la caricature et l'humour tourne vite au ridicule. Cependant, nous guetterons la parution du prochain roman avec attention car Thóra est sympathique et attachante dans cet univers frigorifié.
Citation
Il avait eu le statut de suspect, et non de témoin. Contrairement à un témoin, il n'était donc pas tenu de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.