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Laissez bronzer les cadavres !
Poche
Réédition
Tout public
224 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-07-031892-3
Coll. "Policier", 388
Fleuve de sang
Laissez bronzer les cadavres ! est le premier roman de Jean-Patrick Manchette paru à la "Série noire" en 1971. Mais c'est un ouvrage écrit à quatre mains, avec Jean-Pierre Bastid. L'assistant de Jean Cocteau sur le tournage du Testament d'Orphée lui apporte cette touche picaresque avec des personnages hauts en couleur que Jean-Patrick Manchette va s'ingénier à détruire.
Si le paysage n'est, lui, pas détruit, le hameau perdu sur les hauteurs du Midi de la France l'est tout au moins en partie. Habité par quelques désœuvrés dont un écrivain alcoolique, le lieu est le repaire idéal pour qui cherche à se terrer. D'ailleurs, histoire de planter un décor cinématographique, il y a quelques brutes de diverses épaisseurs qui se sont invitées. Elles ne discutent que très peu, ont le regard froid et le geste peu amène. Mais leur cordialité fait qu'elles partent au village faire les courses. Seulement, elles s'arrêtent sur le chemin du retour et attendent l'arrivée d'un fourgon blindé pour occire ses gardes et faire main basse sur deux cent cinquante kilos d'or avant d'aller remiser tout ça dans le hameau perdu.
L'histoire d'un sanglant braquage avec hommes en fuite qui bientôt vont tenter de récupérer solitairement la totalité du butin pourrait être classique. L'approche qui par moments confine au burlesque pourrait trouver ancrage dans les récits du genre américains. Seulement les deux auteurs imbriquent l'inévitable impondérable avec l'arrivée d'une femme en fuite avec son nourrisson, bientôt suivie de deux motards de la gendarmerie qui ont oublié d'aviser leurs supérieurs de l'endroit où il se rendaient. L'un des deux très vite passe l'arme à gauche. Le second a une vertu : il est héroïque.
À partir de là, tout va très vite et dans tous les sens accentué par des chapitres courts qui déclinent presque minute par minute chaque action de chaque groupe de personnages. Les trahisons s'accumulent, les combats à l'arme à feu s'enchainent, les morts s'entassent, les blessés n'entendent surtout pas mourir, la tempête se prend au jeu. Au final, un casse bien orchestré parfaitement minuté qui a simplement oublié de prendre en compte l'humain avec ses petites mesquineries et ses grands travers. Et puis l'irrationnel et l'incongruité de situations. Jean-Patrick Manchette et Jean-Pierre Bastid creusent de petits sillons de sang qui affluent à une grand fleuve en cru...
Sanglant, noir et pourtant réjouissant...
Citation
Rhino eut une moue qui ratifiait le développement de l'opération. Il s'allongea et tendit la main vers le tas de foin pourri qui avait servi de logement au matériel. Il en retira les trois dernières grenades lacrymogène, les posa sur le plancher entre ses pieds, et attendit. Le moment était venu d'allumer une cigarette. Ce qu'il fit.