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La Délation dans la France des années noires
Grand format
Inédit
Tout public
378 p. ; 24 x 15 cm
ISBN 978-2-262-03481-8
Coll. "Synthèses historiques"
À corbeau, corbeau et demi...
Les Français n'ont jamais autant écrit qu'entre 1939 et 1945. Mais pas autant de lettres de délation que l'on a imaginé depuis. Ils écrivaient parce que la France était coupée en deux, tout comme nombre de familles, avec les hommes au STO, ou prisonniers, avec les uns en exil, les autres en exode. Séparés, pauvres, ils écrivaient pour réclamer des aides, des bons alimentaires, pour obtenir des renseignements sur un parent disparu, etc. Et pour ce qu'il en va de la délation, quelques centaines de milliers de lettres à peine, et non les millions que l'on croit. Même si, en effet, le climat était délétère. Mais impulsé d'en haut, par l'occupant principalement, qui n'hésitait pas à rémunérer ces dénonciations. Impulsé par une presse raciste, des élites stipendiées, et l'État vichyssois. Car finalement, le peuple français s'est montré beaucoup moins veule que ses dirigeants - cette fois encore... Et s'il a volontiers dénoncé, ce fut paradoxalement aux deux bouts de la période, pour solder tout d'abord de vieux compte d'avant-guerre, et, paradoxe de la situation : à la Libération ! Entre ces deux dates, la délation concerna surtout des motivations économiques : les problèmes de ravitaillement avaient pris le dessus. Les Français avaient faim, froid, le marché noir fut leur préoccupation majeure. Dans ce contexte, le fantasme du riche marchand juif agité par l'occupant motiva la dénonciation des juifs. Y compris des juifs imaginaires, tel voisin mieux pourvu... L'État avait beau tenté de diviser les Français, l'occupant de communiquer sur ce qu'il nommait un "art typiquement français de la délation", communication visant à avilir le peuple français, les lettres demeuraient décevantes. Les conditions de vie, éprouvantes, conduisaient en effet la plupart du temps à des dénonciations de voisinage, sans intérêt idéologique ou stratégique, tombant souvent dans la vengeance privée, mesquines : cœurs éconduits, maris trompés, femmes infidèles (pas nécessairement avec l'occupant du reste). Bref, les déclassés de toutes sortes et de toutes les couches sociales s'emparèrent de cette arme, pour en défaire le sens. L'occupant avait beau exagérer l'ampleur du phénomène, il restait l'affaire d'une communication dont les résultats restaient piètres. Y compris lorsque les nazis durent passer, par exemple, dans leur chasse aux juifs, d'une logique de rafle à une logique de traque. Et malgré la Loi d'octobre 1941 de Vichy, "portant obligation de dénoncer". Reste une communication réussie au niveau de l'imaginaire collectif, un vrai trauma qui affecte encore l'idéal du moi français... Superbe étude en tout cas, qui vaut la peine de lire pour mieux saisir les mécanismes de manipulation des foules, et la responsabilité des élites dans cette manipulation !
Citation
Tout pouvoir déclare ne retenir que la bonne dénonciation civique et franche...