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Espion, lève-toi...
Le roman d'espionnage "de papa ", qui assit son incommensurable règne durant les premières années d'après-guerre, avait pour fonction première de donner au lecteur l'impression de toucher le pouls d'une actualité complexe et forcément hors de sa portée par le biais d'une fiction distrayante. Le genre a perdu de sa superbe avec la fin de la guerre froide, perdant sa seconde fonction d'œuvre de propagande où l'Occident forcément vertueux luttait contre le péril rouge ou jaune forcément immonde, chafouin et destructeur. Mais si les "centrales d'énergie" chères à John Buchan ont changé pour devenir de plus en plus des organismes privés visant moins la conquête du monde que celles des marchés économiques, les ressorts restent grosso modo les mêmes. Passé aux éditions du Rocher pour poursuivre une série entamée chez Nouveau Monde, Daniel Hervouët est un spécialiste du genre, mêlant un côté classique aux nouveaux paradigmes géopolitiques avec l'assurance de celui qui a connu la réalité de l'intérieur, puisque lui-même ancien officier du renseignement. Cette fois, ses héros sont envoyés au Nigeria au nom d'une société pétrolière, Global, désireuse d'assurer sa sécurité. À partir de là, l'intrigue passe des plus hauts ors de la république aux bas-fonds du Nigeria et aux immondes trafics de chair humaine qui s'y trament. Pas de doutes, on a affaire à des "histoires d'hommes", d'aventuriers ou plane l'ombre des acteurs burinés des années 1970, mais si la situation est ici réactualisée, Daniel Hervouët ne cède pas à la mode actuelle de LA grande scène d'action hollywoodienne, lui préférant la crédibilité et le feutré. Et pour parvenir à ses fins, notamment pénétrer ce fameux "Burma Club" qui est au centre de l'affaire, rien ne vaut les bonnes vieilles méthodes de la filature et de l'infiltration... Le tout dans un style simple, très factuel, quoique parfois un brin relâché, d'un développement de personnages minimaliste — mais c'est le genre qui veut ça —, de dialogues bien sentis et, surtout, d'une documentation évidente qui fait qu'on croit du début à la fin à ce gros roman de presque cinq cents pages à la conclusion ouverte. Pas de doutes, les nostalgiques des heures de gloire du genre comme les nouveaux venus ayant Jason Bourne pour référence incontournable ne seront pas déçus...
Citation
Au service Action, Patrice avait la réputation d'être un malade du renseignement. Il suffisait de le plonger trois jours dans un village du Béarn, il en revenait avec la cartographie complète de la production agricole, des adultères, des combines, du conseil municipal, des jalousies, des ragots de bistrot, des conflits familiaux, du cadastre et des projets d'autoroute. Le tout sans qu'on ait remarqué sa présence.