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Inédit
Tout public
Traduit de l'espagnol par Olivier Hamilton, Johanna Dautzenberg
Paris : Rivages, juin 2012
410 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-2365-4
Coll. "Thriller"
Un doigt de sainteté ?
Entre le réalisateur Luis Bunuel et Le Moine du romancier anglais Matthew Gregory Lewis, les mystères de l'inquisition de Jean Potocki avec ses Manuscrits trouvés à Saragosse ou ceux d'Edgar Allan Poe, ou plus riants la scène des pénitents s'enflammant dans La Folie des grandeurs ou les processions druidiques dans Asterix en Hispanie, nul doute que l'esprit du catholicisme sadique et l'âme de l'Espagne s'entrelacent en une superbe danse macabre (et ce n'est pas le récent ¡Viva la muerte!, chroniqué il y a quelques jours qui me contredira).
La romancière espagnole Alicia Giménez Bartlett traite de ce thème, mais de loin, de manière détournée, comme un gigantesque clin d'œil. Tout commence avec un cadavre, celui d'un historien chargé d'enquêter sur la momie d'un Saint. Si l'on retrouve bien le corps de l'historien, celui du Saint a disparu et, quelques jours plus tard, le coupable éparpille des morceaux dans des endroits divers de la ville, rappelant ainsi le passé de la guerre civile. À l'instar de ce fil directeur, Le Silence des cloîtres déroule des scènes malicieuses, comme la vie privée de l'inspectrice Pedra Delicado, personnage fétiche de l'auteur et qui est ici chargée de l'enquête, coincée entre son nouveau compagnon, les enfants de celui-ci et surtout ses ex-femmes, qui ponctuent l'intrigue.
Surtout, derrière la modernité de l'Espagne représentée par cette femme bien de son époque, de la pression des journaux à sensation, et de la recherche scientifique posée sur la momie du Saint (qui cache en effet un secret, à la fois contemporain et archaïque), c'est en même temps toute la vie traditionnelle qui se cache car l'enquête oblige les policiers à perturber la vie d'un monastère, à en démêler les petites rancœurs, les faux semblants, les enjeux de (minuscules) pouvoirs coercitifs qui s'y cachent. Le jeu de piste autour des morceaux de la relique disséminée dans la ville renforce cette ambivalence entre l'ancien et le moderne, entre ses résurgences, ses strates historiques et l'entrée dans le XXIe siècle. Ambivalence renforcée au cœur du roman lorsqu'une partie de l'enquête met en lumière les origines financières franquistes d'un notable de la ville, montrant les délicats mécanismes qui joignent le présent au passé.
Alicia Giménez Bartlett rend avec justesse en un contrepoint astucieux cette double tentation de se référer au passé et d'essayer d'aller de l'avant, que ce soit de façon individuelle ou de manière plus collective, comme reflété par le titre même du livre car dans une société de "communication" et de "transparence", comment continuer à vivre dans le silence des cloîtres ?
On en parle : Carnet de la Noir'Rôde n°47
Citation
Une telle absence de surveillance me causa une sensation étrange. Ce lieu était un bastion imprenable, un cercle fermé à l'intérieur duquel les secrets, s'ils existaient, étaient bien gardés.