Les Nouvelles affaires criminelles du Cantal

Il leva les bras et, lentement, fit un tour complet sur lui-même. Il souleva son tee-shirt pour bien montrer qu'il n'était pas armé. En lui faisant face, il vit qu'il le menaçait avec un pistolet Thunder 380 noir mat, portant encore des traces de poudre claire. Action double et simple avec marteau externe, chargeur huit cartouches de 9 mm plus une dans la chambre.
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Essai - Policier

Les Nouvelles affaires criminelles du Cantal

Historique - Faits divers MAJ mercredi 20 juin 2012

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 26 €

Christian Estève & Jean-Pierre Serre
Riom : De Borée, mai 2012
illustrations en noir & blanc ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-8129-0604-6
Coll. "Histoire et documents"

Encore du sang dans le fromage

Tous deux universitaires thésards, Christian Estève et Jean-Pierre Serre ont écrit un premier tome axé autour des affaires les plus "retentissantes" du Cantal, notamment celles qui ont conduit les accusés à la guillotine. Le Cantal, notent les auteurs, "n'a connu qu'une quarantaine d'exécutions capitales" concentrées sur la première moitié du XIXe siècle. Pour ce deuxième tome, "la nécessité d'opérer des choix nous a ainsi conduits vers de nouvelles pistes, notamment au cœur de crimes réunissant de nombreux accusés", comme ceux impliquant les comparses de l'attaque du fourgon de la recette fiscale en 1816, celle de la bataille des villages de Saint-Constant et Leynhac, ou celle, particulièrement intéressante, des douzes femmes coupables d'avortement à Massiac en 1910.

Dans leur excellent avant-propos, les auteurs expliquent que "la qualité du dépôt des archives départementales d'Aurillac permettait de mener à bien l'entreprise" car, précise une note, "le tribunal de Saint-Flour vient de déposer aux archives du Cantal de nombreux dossiers que l'on croyait perdus, parmi lesquels des dossiers concernant le tribunal criminel" tandis que "dans l'Allier n'a-t-on pas, pendant longtemps, conservé que les dossiers d'instruction des années terminées par le chiffre sept" alors que dans le Puy-de-Dôme, les archives ont été "épurées" et qu'en Haute-Loire "une très grande quantité de dossiers ont purement et simplement disparu".

Les auteurs historiens se sont donc avant tout intéressés aux archives judiciaires plutôt que journalistiques. C'est la raison pour laquelle, les affaires sont relativement anciennes car "consultables" mais, précisent les auteurs, "cela permet aussi de ne pas attenter à l'intimité de certaines familles". Nous n'aurons donc pas ces flopées d'histoires avec des protagonistes désignés seulement par leurs initiales ce qui n'aide pas forcément à la lecture...

Les affaires s'échelonnent entre 1804 et 1943. Celle qui date de 1983, concerne des faits datés de 1944. Reste une dernière datée de 1960. Au programme, les habituelles histoires sanglantes de terroir que les auteurs traitent d'une manière pointilleuse en détaillant parfois un peu trop les détails biographiques et ceux du procès comme dans la dernière affaire de 1960, par exemple, où Célestin Girbal, accusé de vol et du double meurtre d'un vieux paysan et sa fille, avoue devant les preuves, puis clame son innocence, avant de sauver sa tête et d'être condamné à la perpétuité. Dix-huit ans plus tard, alors qu'il sort de prison, il entamera une grève de la faim pour "obtenir la révision de son procès".

Les auteurs utilisent une écriture très structurée avec des phrases courtes. Quelques fois, ils malmènent la chronologie du récit ou citent des histoires annexes ce qui complique la lecture. D'autres fois, comme au début de la passionnante histoire de "L'Enfermée de Saint-Flour", le mélange des informations est tel, entre la période de guerre (1944) et l'éclatement de l'affaire (1984) qu'on ne comprend pas quelles sont les relations entre les deux reclus et le cadavre trouvés dans une maison dont on évacuera dix-huit bennes de déchets. Mais l'histoire d'Esther Albouy tondue à la libération retient l'attention par l'élargissement du regard des auteurs à d'autres affaires semblables, et surtout à l'ambiance de l'épuration d'après-guerre.

Christian Estève et Jean-Pierre Serre se montrent d'ailleurs très compétents pour mettre des affaires en regard pour illustrer un aspect social de l'époque, comparant les peines pour le même type de crime. Dans le chapitre "Trahison féminine à l'arrière", ils reviennent sur trois procès de femmes en 1916 en pleine Première Guerre mondiale. Mme Battut est accusée d'avoir battu à mort son mari. Celui-ci, buveur et violent, n'étant pas au front, cette mère de six enfants est relaxée faute de preuves. "Pour cacher la faute à son mari" qui, lui, est au front, la deuxième accusée a étranglé le fruit de son adultère après son accouchement dans une écurie. On a sauvé le petit cadavre qui commençait à se faire dévorer par un chien. "La majorité du jury rejette l'infanticide et retient la 'suppression d'enfant', mais en considérant qu'il n'était pas vivant au moment du geste. Cela vaut à Alphonsine les circonstances atténuantes et seulement six mois de prison. La Nation a besoin d'une bonne mère." La troisième accusée est Mathilde Sabatier accusée d'avoir empoisonné son fils de trois ans. Les auteurs détaillent son parcours de fille facile, qui va mentir, inventer, et se voir chargée de tous les maux par sa mère et trois de ses sœurs. Vingt ans de travaux forcés. Autres affaires intéressantes, celles des prêtres pédophiles en 1900, celle du fou qui décapite son jeune frère et emmène sa tête pour la faire analyser à Paris en 1895.

Voilà un tome très compétent qui brosse un large tableau social du Cantal au XIXe et début XXe (les bergers, les immigrés polonais). Certaines illustrations sont étonnantes, comme la photo de la fille Sabatier, ou celles des divers épisodes de la reconstitution de l'Affaire Génestal qui se défend, en 1882, d'avoir tiré sur un homme. On y inclut les plans et dessins naïfs des scènes de crime, dont celle de "la bergère et du bagnard" datant de 1931, suicidés dans une couche aménagée dans l'étable.

Citation

Comme à chaque printemps, en cette fin de mai 1892, les vacheries de la plaine montent à l'estive des hauts plateaux du Cézallier. Dans ce pays tout de planéité, aux arbres rares, où les tourbières sont des creux aux verts profonds et les burons l'esquisse des reliefs, les troupeaux s'installent jusqu'à la Saint-Géraud, le 13 octobre.

Rédacteur: Michel Amelin mardi 19 juin 2012
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