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Jigal tripal...
Le genre "dur à cuire", composante fondatrice du roman noir, était quelque peu passé en désuétude ces derniers temps, peut-être un peu trop accroché au cliché melvillien de films d'hommes, de vrais, laconiques héros aux visages murés noyés dans la fumée de leurs Gitanes. Toujours ces derniers temps, quelques romans (comme le dur de dur Le Cramé) font entrer le genre dans le XXIe siècle : en avant pour des histoires d'hommes (et aujourd'hui de femmes) affrontant des criminels prêts à tout entre flingues, coups de tatanes et giclées de testostérones. Moins que la surenchère dans l'ultraviolence, ce roman dégraissé jusqu'à l'os vise à faire tourner une intrigue à la fois classique (meurtre, flics, course contre la montre) et d'une certaine originalité. Lorsque plusieurs criminels sont exécutés à l'ancienne — décapités à la hache —, il est évident que quelques uns ont décidé de faire justice eux-mêmes. Or leur dernière proie, Abdel Charif, accusé d'un meurtre odieux puis gracié, réussit à leur échapper. Charif décide de se tourner vers la commissaire Aïcha Chadia, mais le marché qu'il lui propose est sans appel : Charif prétend être innocent et veut que Chadia l'aide à découvrir les éléments qui le disculperont. En échange, il se dit capable de l'aider à retrouver Sébastien, ex-policier et grand amour de la commissaire, que tout le monde tient pour mort... À partir de là, l'intrigue, fertile en exécutions, se dévide de façon bien huilée jusqu'à un final qui cède peut-être un peu trop au sensationnel (ces criminels diaboliques s'arrangent toujours pour commettre l'erreur qui les fait prendre) dans ce qui pourrait avoir été un roman de feu la collection "Engrenage", même si la lettre reste moderne. L'auteur y ajoute l'élément qui fait la différence : le soin de bâtir des personnages crédibles et plus fouillés qu'à l'habitude par petites touches bien senties, bien écrites et jamais envahissantes. Un cocktail maîtrisé de main de maître. Serait-ce alors le grand retour du "hard boiled" ? Qui s'en plaindra ?
Nominations :
Prix Polar Michel Lebrun 2012
Citation
La ville avait la gueule de ceux qui se lèvent tôt l'hiver et n'ont pas les épaules faites pour la pluie.