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Chronique
Un bois perdu du Tarn-et-Garonne – et une collision de trajectoires.
D'une part, Javier Greo-Perez, le fiston cinglé d'un chef de cartel colombien, accompagné d'un garde du corps et d'un ami de la famille, attendent au bord d'une route deux des Neri, une famiglia de Campanie, pour une transaction qui promet d'être juteuse et de faire entrer une quantité énorme de cocaïne en Europe.
D'autre part, un fugitif, mystérieux, peut-être un terroriste, pour lequel le plan Épervier a été déclenché et dont on ne saura rien – ou si peu. Blessé pendant sa cavale, il croise la route de nos trois hommes d'affaires, prêts à tuer l'opportun qui répond par automatisme : il les exécute vite fait bien fait avant de reprendre sa fuite.
Toute la machinerie est alors lancée. Qui pourrait croire à une coïncidence, à un simple quiproquo ? Certainement pas Don Alvaro, le père de Javier, qui dépêche en France le plus efficace de ses hommes : le bien nommé Tod, sino-allemand au regard bleu acier, enquêtera sur l'exécution, assisté par les deux Neri, que cette affaire dépasse visiblement. La mission de Tod n'est pas seulement de déterminer ce qui s'est passé ; en effet, sa spécialité est le Leng T'che, ou "mort par les mille coupures", châtiment sanglant réservé aux traîtres et aux meurtriers...
Le fugitif, quant à lui, n'est pas allé bien loin : il s'effondre non loin de la ferme des Petit, à Moissac. Il ne laisse pas le choix à la petite famille – les parents et leur petite Zoé – et les séquestre dans leur propre maison, déterminé à attendre quelques jours que les recherches se calment et qu'il se remette de sa blessure. C'est une épreuve de plus pour Omar Petit : d'origine sénégalaise, il a repris la ferme de son beau-père quelques années auparavant et n'a pas vraiment été bien accueilli par certains agriculteurs de leurs voisins, qui font de leur vie un enfer. Graffitis racistes, menaces, sabotage des récoltes, harcèlement permanent... tout cela ne fait pas de la ferme des Petit une planque idéale...
Si le roman n'a pas l'ampleur de Citoyens clandestins – il est bien plus court – il en a l'intensité. Le récit passe d'un point de vue à l'autre, du huis-clos étouffant chez les Petit à l'enquête parsemée de cadavres de Tod, en passant par les interrogations du lieutenant-colonel Massé du Réaux, chargé de tirer au clair le triple meurtre du début et comprenant peu à peu l'ampleur du règlement de compte à venir. Le rythme ne faiblit pas alors que chacun des protagonistes tâche, de son côté, de remettre dans l'ordre les pièces d'un puzzle dont il ne voit qu'un aspect, jusqu'à un final explosif où toutes les trajectoires se recroisent à nouveau – là encore, en une collision. D.O.A. sait mener un récit polyphonique avec brio, et il est aussi crédible dans sa peinture des milices paramilitaires colombiennes que dans les discussions de comptoirs des Moissagais. La famille Petit ressort particulièrement, dépeinte avec beaucoup de tendresse et d'humanité. Pour ceux qui en doutaient encore, c'est réglé ; D.O.A. est une vraie voix, son style est maîtrisé et son univers riche – les lecteurs de Citoyens clandestins ressentiront d'ailleurs un coup de coude complice dans le final, s'ils ne l'ont pas ressenti avant. Les autres se contenteront d'une claque, et il se pourrait bien qu'ils en redemandent.
On en parle : L'Ours polar n°49 |La Tête en noir n°138 |Le Magazine littéraire - Hors-série n°17 |L'Indic n°23
Nominations :
Prix du Meilleur polar francophone 2009
Prix SNCF du polar français 2010
Prix du roman policier de Serre-Chevalier 2010
Prix Mystère de la Critique 2010
Prix de la ville de Mauves-sur-Loire 2010
Prix du roman policier de Serre-Chevalier 2010
Citation
Les drogués, ils ne tuent pas, ils ne pillent pas, ils ne polluent pas tout, ils font pire, ils consomment. Pour le plaisir ou pas, ce n'est pas le problème, personne ne les pousse, ils consomment et ils ne veulent pas voir. Les narcos, ils grandissent grâce à ça. À cause de nous, à cause de nous.