Faut pas rire avec les barbares

Il avait compris que son pays, très ancré dans une culture arabo-musulmane, avait une certaine inertie. Au lieu de forcer l'allure du développement de son royaume, il réforma celui-ci en douceur.
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Essai - Guerre

Faut pas rire avec les barbares

Historique - Braquage/Cambriolage - Guerre MAJ lundi 03 septembre 2012

Note accordée au livre: 3 sur 5

Grand format
Réédition

Tout public

Prix: 19,16 €

Albert Spaggiari
Paris : La Manufacture de livres, octobre 2011
302 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-35887-029-0

L'Indochine du casseur de siècle

Fidèle à sa politique de rééditer des écrits de et sur les malfrats, La Manufacture de livres remet Albert Spaggiari sur les rayons. Pas le moindre appareil historique, ni même une simple chronologie alors que l'histoire d'un homme s'inscrit dans sa vie entière ! Obligation donc de piocher des renseignements supplémentaires à droite et à gauche… Ainsi, nous apprend Internet en vingt minutes chrono, Spaggiari (1932-1989) s'engagea volontairement à dix-sept ans dans les parachutistes pour aller combattre en Indochine. Écrit à la Santé, où l'avait conduit ses activités pour l'OAS, Faut pas rire avec les barbares fut publié chez Robert Laffont en juin 1977 soit un an pile après le faramineux Casse du Siècle dans la salle des coffres de la Société Générale de Nice. On se rappellera que Spaggiari et ses complices creusèrent des tunnels pendant deux mois pour y parvenir. Installant un campement lors d'un week-end, ils fracturèrent plus de trois cents coffres. Lors des douze années de cavale qui suivirent sa rocambolesque évasion du bureau du juge, Spaggiari changea souvent de planque (USA, Chili, Italie, Espagne). Il écrivit Les Égoûts du paradis (Albin Michel, 1978) au Chili où, probablement, il avait des contacts avec la dictature. Enfin, il écrivit Journal d'une truffe (Albin Michel, 1983) et accorda une interview à Bernard Pivot pour Apostrophes ce qui provoqua un scandale car il était toujours recherché par la police. Malgré les contrôles, il revint souvent en France, s'y maria même dans une paroisse intégriste parisienne. Il passa clandestinement la frontière, une dernière fois, à l'état de cadavre dans un camping-car conduit par sa femme qui le déposa à Hyères chez sa mère avant l'enterrement dans sa ville natale de Laragne-Montéglin.

Faut pas rire avec les barbares raconte le destin d'un groupe d'hommes dans la sauvagerie abjecte de la guerre d'Indochine. Sans doute alimenté par les propres souvenirs de Spaggiari, le livre ne cache rien des malversations des soldats et notamment des viols et meurtres d'enfants et de vieillards. Les scènes de combats, celles des hôpitaux de fortune, les vols, l'opium et l'alcool en sont les fils conducteurs. Du groupe d'origine : Bert, Riton, Brode, Romain et Larry, seul le dernier s'en sortira car, ayant cambriolé un bordel, il sera condamné à cinq ans de travaux forcés et vingt ans d'interdiction de séjour. Internet nous apprend que Spaggiari fut lui-même arrêté et condamné pour ce motif et condamné à la même peine.

Hélas, Robert Laffont ne devait pas juger la prose de Spaggiari assez "typique". C'est la seule explication qui vient à l'esprit à la lecture. Car l'auteur, dès le début, entreprend de scinder son texte en monologues dont le narrateur s'affiche en gras en tête de chapitre. Hormis le fait que le style ne différencie pas assez ces cinq voix différentes, d'autres locuteurs vont apparaître (dont une femme, une seule fois) prouvant que l'exercice atteint vite ses limites. Cette contrainte n'affecte pourtant pas la chronologie des actions : tour de force très professionnel. Au dernier quart du livre, nouvelle surprise. Dans une deuxième partie bricolée, on abandonne la technique des monologues et on passe au style narratif normal à la troisième personne. Il sera conservé jusqu'à la fin (entrelardé quand même de deux monologues). Voilà une structure non aboutie, boiteuse certainement décidée dans l'urgence de la publication. Le lecteur se demande si ce changement n'est pas dû à la scène atroce de la crucifixion d'un homme par des soldats français après une soirée orgiaque dans une église : aucun narrateur ne pouvant l'assumer ! Du coup, toute la partie finale en style narratif normal apparaît comme un reste du texte original de Spagiarri tandis que les trois quarts du livre sont caviardés par un style "truand" parfaitement illisible à la longue. Certes, "on" a réalisé des efforts pour faire entendre une voix plus distinguée : celle de Romain dont la beauté innocente conduit certains gradés à des privautés. Mais aucun de ces discours ne sonne juste.

En conclusion, voilà un témoignage saboté par un style qui n'enlève rien à la force des scènes. Albert Spaggiari combat les Viets avec des "bougnoules" et des "bamboulas", et dresse, à la fin, un portrait héroïque de Jarby (anagramme de Bigeard) le meneur d'hommes "un Jarby, qui ne leur a pas promis de les ramener vivants au pays. Un Jarby, qui n'est pas de ces officiers que tu détestes. Qui est pire. Tellement pire, qu'il incarne pour ses garçons tout ce qui existe en fait de morale, de religion, de justice." Plus tard Albert Spaggiari s'investira dans l'OAS puis dans des courants très à droite. Il reflète certainement un fort courant parmi ces hommes qui ont plongé en enfer.

Citation

Il dit que ce sera pas les derniers et que 50 % des morts d'un bataillon le sont par la connerie de quelqu'un.

Rédacteur: Michel Amelin vendredi 31 août 2012
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