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Pain perdu chez les vilains
Poche
Réédition
Tout public
Paris : Après la lune, mai 2012
206 p. ; 19 x 12 cm
ISBN 978-2-35227-074-4
Coll. "Lunes blafardes", 22
Les pains disparus de saint Habile
La boucle est bouclée. Il y a quelques années, Jean-Jacques Reboux entra dans la danse du polar avec l'écriture de trois romans jubilatoires (Fondu au noir, Monsieur Smith n'aime pas les asperges et ce Pain perdu chez les vilains). De fil en aiguille - cela est reconstitué de fort belle et drôle manière dans la préface -, il fut un touche à tout du livre et, aujourd'hui, ce même Pain perdu chez les vilains ressort pour clôturer la fin de l'aventure éditoriale d'une maison dédié à l'astre nocturne, Après la lune. Jean-Jacques Reboux fait référence à Pierre Siniac et il a bien raison tant on retrouve les clins d'œil de l'auteur des aventures de Luj Inferman et de la Cloducque dans cette aventure improbable et hautement jouissive. Un homme politique local (genre Michelin, paternaliste de haut vol) est retrouvé mort, des miettes de pain dans les poches. Jacques Chirac qui se prépare à devenir président de la République est inquiet car le mort était l'un de ses fidèles soutiens. On comprend dès lors pourquoi toutes les forces de police sont sur les dents. D'autres membres de la liste municipale du mort sont menacés eux aussi. Y aurait-il un rapport avec un ancien boulanger qui voulait faire changer le nom de la ville ? À moins qu'il ne faille aller voir du côté d'un autre personnage dans le Sud qui aurait gagné au loto... Qui sont ces mystérieux individus à la Fantomas qui pour appliquer leur plan (et quel plan ?) achètent l'ensemble de la production de pain de la ville ?
Goût du mystère, personnages lunaires et fantasques, intrigues qui sont constamment sur le fil du rasoir entre loufoquerie véryenne et réalités socio-politiques (Jean-Jacques Reboux récidivera avec Poste mortem sur les ravages du libéralisme vus d'une façon très personnelle ou sur les années Sarkozy avec Je suis partout, Pain perdu chez les vilains déploie une intrigue sérieuse qui se base sur des ressorts étranges. Les personnages centraux participent de cette gageure, entre un commissaire particulier et un journaliste qui recherche un scoop, entre une femme de ménage portugaise catholique et des petits loubards dépassés, avec deux futurs présidents de la République en guest stars. Servi par un style allègre qui saute d'un personnage à l'autre, épuise un aspect comique avant de virevolter sur un autre, le roman retombe toujours sur ses pattes, espiègle et madré (nom du village où naquit l'auteur, cela ne s'invente pas). Il reste à espérer que ces rebonds de Reboux, cette balle virevoltante, cette intrigue qui tressaute comme une mécanique légèrement déréglée, comme ces carrioles dont on décalait un essieu pour promener les enfants dans une démarche cahotante et drôle, sont aussi une métaphore du futur rebond de l'auteur car dans le monde du polar, on a aussi besoin de trublions finauds et poétiques, de Cyranos.
On en parle : La Tête en noir n°158
Citation
Quand Dauthuile signa sa déposition, la pendule Ricard accrochée au mur du fond affichait un accouplement parfait d'aiguilles sur le chiffre un.