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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'italien par Anaïs Bokobza
Paris : Presses de la Cité, septembre 2012
574 p. ; 23 x 15 cm
ISBN 978-2-258-09283-9
Coll. "Sang d'encre"
Bad carabinieri
Tu es le mal, de l'Italien Roberto Costantini, est un curieux roman car s'il commence par une enquête traditionnelle et conventionnelle, son protagoniste, lui, n'est définitivement ni traditionnel ni conventionnel. Le jeune Michele Balistreri, au passé sulfureux frôlant le terrorisme, n'est pas vraiment un grand progressiste. Déjà revenu de tout, c'est un joueur de poker et un habitué des passe-droits tant qu'il s'agit de courir le jupon. Un personnage dont chacun jugera s'il est un loser magnifique ou juste un salaud ordinaire...
Or c'est bien lui qui enquête sur la mort de la jeune Elisa Sordi, employée d'un cardinal très en vue au Vatican, le tout sur fond de Coupe du monde de football de 1982. On le voit, loin de la drouille mondialisée (qui a dit Le Chuchoteur ?), ce roman est ancré dans la réalité de son pays et revendique ouvertement son italianitude. Et soudain, après cent cinquante pages, tout change : on se retrouve en 2006, à la troisième personne, face à un Balistrani vieilli, usé, obligé de composer avec des meurtres dont on accuse les roms, éternels croque-mitaines politiquement corrects de la mauvaise conscience européenne. Et lorsque cette enquête ramène Balistrani au meurtre non résolu d'Elisa à travers le suicide de sa mère, c'est là que l'auteur dévoile peu à peu ses cartes, ce qui semble très simple devenant soudain compliqué, détricotant une histoire criminelle alambiquée (mais au final limpide) qui, lors d'un final vertigineux, bascule presque dans le giallo à la Dario Argento, genre transalpin s'il en est, tout en expliquant son étrange titre.
Il en faut peu pour que cette machination aux mille ramifications nouant tous les acteurs du drame devienne peu crédible, cinq cent soixante-quinze pages, c'est un peu long, même pour une fresque aussi ambitieuse, et les choix artistiques de l'auteur peuvent dérouter. Mais au moins, il y a des choix artistiques, justement, et Roberto Costantini évite de radoter les quelques antiennes du thriller industriel pour têtes de gondole. Ce premier roman bien écrit, bien traduit porte fièrement en lui sa différence. Si on sort de ces pages groggy en se demandant un peu ce qu'on vient de lire exactement, au moins, elles ne laisseront pas indifférent…
Citation
Après les années turbulentes que j'avais vécues, c'était ce qu'il me fallait. De la solitude mélangée à un travail banal, bien manger, beaucoup baiser, jouer au poker, ne penser à rien. Le fragile équilibre entre divertissement et ennui.