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Les Frasques de la Belle Époque : les plus belles unes du Petit journal alerte
Grand format
Inédit
Tout public
240 p. ; illustrations en couleur ; 32 x 28 cm
ISBN 978-2-226-20818-7
Actualités
- 09/10 Exposition: Les Plus belles unes du Petit journal
Bruno Fuligni, écrivain et historien, curieux homme qui écrit aussi bien dans les colonnes du Canard enchaîné que chez l'éditeur L'Iconoclaste (il vient d'y publier Le Livre des espions), a fait paraitre en octobre un bien beau livre qui se trouve être "un voyage à la Belle Époque à travers les cent cinquante unes les plus étonnantes du supplément illustré du Petit journal, célèbre quotidien parisien de la fin du XIXesiècle : les sœurs siamoises, le suicide de Boulanger, le dernier bandit corse, la révolte des aveugles dans un hospice, le duel Déroulède-Jaures, le croque-morts facétieux, la délinquance des apaches, etc."
Comme le dit fort justement Didier Moinel Delalande, directeur général du Mathurin, "il y a des projets qui ne se refusent pas". L'ouvrage en question répondait à certaines autres qu'il se posait car "l'époque pour le moins troublée que nous vivons [le] pousse, quotidiennement, à faire partager à [ses] hôtes une certaine idée de la culture française, subtile mélange révolutionnaire et conservateur, où la frénésie de la connaissance s'allie à l'appétence pour le fait divers." Et donc, c'est ainsi qu'est née l'idée d'exposer quelques unes des couvertures originales du supplément illustré du Petit journal prêtées par Bruno Fuligni. L'exposition est ouverte au public du 10 octobre au 9 novembre à l'hôtel Le Mathurin. Est-il besoin de noter que la plupart de ces unes s'intéressent de très près à tout ce qui touche le sensationnel sordide, tout ce qui nourrit la littérature policière ?
Les Expos du Mathurin
Hôtel Le Mathurin
43, rue des Mathurins
75008 Paris
Tél. : 01.44.94.20.94
Faits divers en couleurs
À l'instar de Bruno Fuligny, qui nous ouvre sa collection des Suppléments illustrés du Petit Journal avec à la fois un regard contemplatif et explicatif, nombre sont ceux pour qui ces illustrations font partie de l'imaginaire. L'historien ne manque pas de le souligner dans sa préface, la précision de ces illustration a conquis l'estime de ses pairs qui retrouvent moult détails de profession, vestimentaires et de mœurs. L'ouvrage se veut à la fois simple et de très belle facture avec des illustrations évidemment nombreuses en pleine page avec ce grain ancien aisément reconnaissable.
De quoi est-il question ? Avant tout de sensationnel. C'est un réel foisonnement de faits divers qui ravissent et justifient que l'on en parle en ces pages. Bien entendu, il y en a qui prêtent à sourire comme ce "champion de natation attaqué par un monstre marin". Il s'agit du célèbre nageur (pour l'époque&nbs;!) Kahanamokou, médaillé aux jeux Olympiques de Stockholm, qui se retrouve aux prises avec ce qui semble être un congre géant pendant plus de trois minutes d'une lutte sous-marine acharnée au cours de laquelle il sort vainqueur non sans avoir perdu son index droit ! L'ouvrage en des thématiques heureuses aborde l'histoire du moment avec ses combats qui prennent un relief romanesque et haut en couleur, ses attentats multiples et anarchistes, ses crimes de sang et de passion avec une longue immersion dans L'Affaire Dreyfus et aussi, bien sûr, les exactions des Apaches. On y voit une chambre des députés telle qu'on l'aimerait aujourd'hui avec des hommes qui s'écharpent réellement (à l'époque les discours étaient bien plus virulents qu'ils ne le sont maintenant), on observe le duel Déroulède-Jaurès avec cet arrêt sur image plein d'une tension sourde, on assiste amusé à ce duel urbain au sac de sable entre deux rivales.
L'ouvrage est une alternance de faits illustrés et largement détaillés, et une succession d'illustrations légendées. Le tout se regarde avec délectation,. On y plonge avec plaisir. On se dit que ces faits divers sanglants foisonnaient à l'époque, et que notre société semble tout autant meurtrière et sordide avec une inventivité moindre cela dit. On ne retrouve plus de malles sanglantes à bord de trains, les consignes ne permettent plus qu'on y dépose des corps découpés dans des valises. L'ogresse de la Goutte-d'Or, à la folie infanticide qui finit ses jours dans un asile sans avoir jamais avoué ses crimes n'est plus qu'une image fascinante, mais c'est oublier que la foule a tenté à l'époque de l'écharper. À l'heure où l'on parle de criminalité juvénile, on oublie qu'en novembre 1907 le supplément s'indignait ainsi : "Trop de jeunes paresseux... Trop de jeunes criminels !" Avec un dessin en deux parties diurne-nocturne, l'illustrateur montre deux mêmes adolescents qui dorment paresseusement sur un banc le jours et qui tendent un guet-apens la nuit à un honnête bourgeois. En cette période actuelle qui aime les statistiques, il est stipulé que parmi les jeunes délinquants d'un quartier correctionnel, il s'avère que "13 % avaient été élevés convenablement, 8 % avaient été incités à mal faire par leurs parents eux-mêmes, 38 % avaient grandi à l'abandon, 40 % avaient été l'objet d'une surveillance insuffisante et mauvaise".
On le voit : autre temps, mêmes mœurs. Le travail des historiens est de rapporter ces faits. Les sociologues devraient les interpréter et les politiques s'en servir. Comme disait Lavoisier reformulant Anaxagore : "rien ne se perd, rien ne se crée, tout se conserve". Il en va de même des répétitions de l'Histoire. Et c'est bien là ce que l'on observe à partir de ces Unes sensationnelles. Il y a d'une part le fait historique (L'assassinat de l'archiduc d'Autriche, Madame Caillaux qui part tuer le directeur du Figaro) le fait-divers (avec ces duel et ces combats étranges de rues) et le fait sociétal que l'on retrouve avec des violences divers souvent déraisonnables.
Un véritable plaisir visuel qui se dévore d'une traite ou s'apprécie page à page, Une à Une.
Citation
De cette pègre de papier émergent, parmi tant de mines patibulaires surmontées de casquettes à pont, les figures de quelques criminels d'exception : Vacher l'éventreur, Liabeuf le cordonier anarchiste, ou Antony Thomas, 'le cambrioleur d'église'.