Traversée vent debout

La gueule cassée en pleurait de rire tellement il trouvait la situation délirante et le petit jeunot en face de lui sans doute plus culotté que lui-même n'aurait jamais pu l'être. Après une grande tape sur l'épaule, comme s'ils avaient été les meilleurs amis du monde qui se retrouvaient après une longue absence, il le fit entrer et lui demanda enfin ce qu'il voulait exactement.
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jeudi 21 novembre

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Roman - Noir

Traversée vent debout

Politique - Disparition - Drogue MAJ mardi 27 novembre 2012

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 25 €

Jim Nisbet
Windward Passage - 2010
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Éric Chédaille, Catherine Richard
Paris : Rivages, octobre 2012
570 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-2407-1
Coll. "Thriller"

De Conrad à Nisbet

Ouvrir un roman de Jim Nisbet c'est prendre le risque d'être décontenancé avant que d'être happé par un récit qui prend plusieurs formes. Traversé vent debout ne déroge pas à une règle figée depuis maintenant dix romans. Surtout, prendre le temps de lire l'avertissement de l'auteur, ne pas sauter un peu trop rapidement cette page sous peine de lâcher la chose en plein milieu de prologue. Car, il faut bien le dire, cet avant-texte est un hommage à James Joyce qui s'amuse d'Ulysse et de Finnegan's Wake, et le lecteur de se dire que le duo de traducteurs - Catherine Richard et Éric Chédaille - a dû s'arracher des cheveux et se mordre des doigts : le prologue est une niche à néologismes dans un langage réinventé.

La suite, parlons-en ! Jim Nisbet, marin lui-même à ses heures perdues, prend le temps de nous faire vivre une odyssée malheureuse avec accumulation de vocabulaire marin - merci Éric Chédaille... Celle de Charlie à bord du Vellela Vellela, un petit voilier qui fait de la contrebande de drogue et qui heurte de plein fouet la nuit un conteneur sauvage. Le bateau ne s'en remettra pas mais souffrira d'une très lente agonie. Le temps pour Jim Nisbet d'aborder un roman inachevé qui se termine feuilles au vent, de nous présenter Tipsy, la sœur paumée et alcoolique de Charlie - qu'elle n'a pas vu depuis une éternité, mais qui est surveillée car le frère et sa dope sont en approche, et tout le monde sait tout sauf comme de bien entendu les principaux concernés -, et d'autres personnages qui migrent dans ce roman de romans en romans jusqu'à ce que tout à coup la tournure devienne rocambolesque. Adieu Charlie, bonjour l'épave fantôme. À son bord, un paquet de cocaïne dans lequel on retrouve l'Adn d'un président américain.

Saugrenu ? Vous n'imaginez pas à quel point. Jim Nisbet en pleine mer revisite l'effet papillon qu'il préfère au Vieil homme et la mer. D'ailleurs, s'il faut retenir un hommage, c'est à Jack London et à son Martin Eden qu'il nous incite à penser même si Conrad et Melville - Moby Dick ! - ne sont pas loin. Et qu'importe si le lecteur de cette chronique pense que c'est là abondance de noms, lire ce roman de Jim Nisbet comme les autres, c'est plonger dans une encyclopédie littéraire, un Castex & Surer ou un Lagarde & Michard, une meilleure sélection en sus accompagnée d'une jolie histoire foldingue avec ses personnages étranges et humains à la fois.


On en parle : La Tête en noir n°159

Nominations :
Prix Mystère du Meilleur roman étranger 2013

Citation

On se calme, jeune homme. On est à Vegas, ici, et vous parlez de choses réprimées par la loi. Vous pourriez vous retrouver en prison juste pour avoir pensé des choses pareilles. Bon sang. Tout ce que j'aurais à faire, c'est vous dénoncer et... (du bout d'un ergot elle tembourine un rythme patriotique sur la coque de la souris) Guantanamo, mon coco.

Rédacteur: Julien Védrenne vendredi 26 octobre 2012
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