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Les Grandes affaires criminelles de Dordogne
Grand format
Inédit
Tout public
350 p. ; illustrations en noir & blanc ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-8129-0613-8
Coll. "Histoire et documents"
Narrateurs en trop
Rudi Molleman est né en Belgique près de Bruxelles. Installé en Aquitaine il y a une dizaine d'années, c'est lui qui s'y colle ici pour prendre en charge le tome "Dordogne" de la très complète et célèbre collection "Les Grandes affaires criminelles de..." chez De Borée. Trente-six affaires y sont racontées chronologiquement de 1610 (jugement de l'assassinat de la jeune héritière Marguerite de Calvimont cinq ans auparavant) à 1989 (Francis L. dit "l'Assassin de la pleine lune", violeur et voleur à Bergerac qui poignarda un homme qui portait secours à une victime). Deux affaires sont célèbres : Alain de Monéys d'Ordières, lynché et brûlé vif par une foule de villageois en 1870, et qui est au cœur du récit de Jean Teulé Mangez-le si vous voulez (Julliard, 2009) et Henri Girard, accusé d'avoir tué à coups de serpe son père, sa tante et la vieille bonne dans le château d'Escoire, "petite bourgade paisible d'une centaine d'habitants, située à une dizaine de kilomètres à l'est de Périgueux". Le fils s'emmêle les pinceaux dans ses déclarations. Pourquoi a-t-il choisi une chambre à l'autre bout du château ? Pour être proche du compteur électrique répond l'accusation afin de plonger le château dans le noir et descendre tranquillement traquer et massacrer les autres habitants. Le père travaillait pour Vichy, le procès s'ouvre en mai 1943 avec les Allemands dans la ville, la Milice et le Maquis qui se met en place. Henri Girard a demandé à Me Garçon, ami de son père, d'assurer sa défense et il y parviendra en démolissant les témoignages des Taulu, une famille de paysans pauvres vivant en contrebas du château et en lançant la suspicion sur le fils. Contre toute attente, Henri Girard, reconnu innocent est rendu à la liberté. Il dilapidera son héritage, abandonnera femme et enfants et partira pour "une destination inconnue, probablement le Venezuela". Il revient en France en 1950 et publie le très célèbre Salaire de la peur sous le pseudo de Georges Arnaud (prénom de son père et nom de jeune fille de sa mère). Sept ans après les crimes, il entamera une riche carrière d'écrivain et de journaliste militant. Autre histoire notable : "La mort tragique des comtes de Lamonzie". La comtesse B. et son fils sont découverts morts dans leur voiture en flammes sur la D936 entre Bordeaux et Bergerac en novembre 1981. Un accident ? Un double meurtre plutôt qui aurait pu devenir crime parfait si une voiture avait percuté le véhicule. L'assassin est Jacques de G. de L. gendre (pas idéal) malgré la particule.
L'auteur se montre compétent dans la mise en place des histoires, un peu trop bavard parfois quand il retranscrit les procès mais très novice avec ses narrateurs en trop. Pourquoi déléguer à des narrateurs fantoches le rôle que l'auteur peut très bien tenir ? Visiblement, il était assis entre deux chaises (sans doute des consignes de l'éditeur). Devait-il écrire des novelisations ou se contenter d'un récit "historique" simple ? Son consensus s'avère une catastrophe. Les récits sont ouverts et clos par un narrateur, soit contemporain des faits, soit moderne : un professeur donnant un cours, un gendarme, un juge, un témoin, l'acheteur d'un journal intime à un vide-grenier, l'assassin condamné à mort (là c'est un prêtre qui racontera l'ultime épisode) etc. C'est tout et n'importe quoi pour varier la recette. L'idée n'est pas heureuse car l'ouverture et la conclusion sont bancales avec des dialogues pauvres et des détails sans aucun intérêt. N'est pas écrivain qui veut. Exemple avec le début de l'Affaire Bellier (1928) :
- Bertrand, c'est bien toi ?
- Désolé, on se connaît ?
- Philippe Boissier, on était au collège ensemble.
- Bien sûr, Philippe. Désolé, je ne t'avais pas reconnu.
- Pas de souci, je comprends. Et blablabla pendant vingt-deux lignes jusqu'à ce que les deux interlocuteurs aillent boire un verre et que l'un entame le récit historique de dix pages. Huit lignes de commentaires achèveront l'histoire (et le lecteur).
Le comble du ridicule est atteint avec l'Affaire Freyssengeas où le narrateur est un étudiant actuel de vingt ans qui rentre chez maman très angoissé parce que le prof a fait un cours sur "le droit de passage" illustré d'une histoire de 1834 (!) dont la victime porte le même nom (Roux) que lui. Maman joue la psy à deux balles. Et voilà le mot de la fin : "Je me levai pour déposer un baiser sur le front de maman. Une fois de plus, je me sentais mieux grâce à elle."
Citation
Ses cris ne cessèrent qu'après la chute du couperet. Monsieur Deibler chercha alors à pousser le corps dans le panier, mais celui-ci, retenu par un épais lambeau de peau et de muscles, entre le couteau et la partie interne de la lunette, ne céda que difficilement.