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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'italien par Dominique Vittoz
Paris : Fayard, octobre 2012
224 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-213-65602-1
Coll. "Littérature étrangère"
Du bon usage du faits divers
Andrea Camilleri choisit pour Le Coup de filet de raconter son histoire à travers les yeux du rédacteur en chef d'un journal télévisé pris entre son envie d'informer, le besoin de rendre compte à sa hiérarchie, et les chausse-trappes de ses adjoints qui aimeraient prendre sa place - il faut rajouter qu'il est l'amant de la femme de son présentateur vedette ! Le lecteur est confronté à très peu d'actions au sens strict du terme, puisque le récit est une suite de scènes quasi-théâtrales où l'auteur s'ingénie à présenter comment le journaliste va dire, inventer falsifier, biaiser les faits réels pour rester éternellement du bon côté du manche. Souvent un faits divers n'est que le prétexte de l'auteur pour décrire la façon dont il voit fonctionner le monde. Andrea Camilleri nous avait déjà habitué à ce travail avec son analyse du grand capitalisme et de la mondialisation. Le voici qui ausculte les rapports étroits et incestueux entre justice, police, pouvoir politique et journalisme. Et nul besoin de monceaux de cadavres car il y a en arrière plan, un jeune homme soupçonné d'avoir assassiné sa fiancée. Seul problème, le jeune homme est le fils d'un député influent, quant à la jeune fille elle est issue d'une riche famille. Mais du meurtre et de sa résolution, nous ne saurons rien. Des éclairages indirects montrent les machinations derrière l'histoire car finalement personne ne se préoccupe de la victime. En effet, le procureur y voit l'occasion de faire carrière, les hommes politiques entendent faire chuter un ennemi intime, les avocats espèrent obtenir de l'influence sur un parti, et les journalistes prendre du galon. Mis à part leur nom et de vagues silhouettes, les principaux protagonistes du meurtre sont exclus de cette trame qui ne les regarde plus car le meurtre a surtout servi à couvrir d'autres magouilles. Grâce à un style épuré, à une suite de scènes fortes psychologiquement, et en multipliant les implicites et les non-dits qui deviennent clairs par les résonances qu'ils font vibrer dans le texte, Andrea Camilleri décrit un fait divers par l'autre bout de la lorgnette et nous oblige à présent à regarder les reportages meurtriers de nos journaux télévisés à l'aune de la paranoïa. Et ce qui à présent importe est non plus ce qui est dit, mais ce qui n'est pas dit et pourquoi. Le Coup de filet est un grand roman subversif.
Citation
Qui aurait eu le toupet de dire, par exemple, qu'elle n'avait plus grand-chose du bouton de rose, puisqu'elle avait déjà largement éclos en baisant régulièrement avec son petit ami ?