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Tout public
Préface de Bénédicte Desforges & Guillaume Prieur
Paris : Casterman, août 2012
82 p. ; illustrations en couleur ; 26 x 19 cm
ISBN 978-2-203-02440-3
Coll. "Univers d'auteurs"
Images du quotidien
Bénédicte Desforges est lieutenant ordinaire de police, et a déjà signé deux ouvrages de ses chroniques aux éditions J'ai lu, qui sont autant de témoignages de son expérience d'un quotidien en uniforme à arpenter les rues et à se confronter à la violence de la vie et l'émanence de la mort. La mort, Séra y a échappé de peu au Cambodge lors de la chute de Phnom-Penh. Ses origines l'ont fortement influencé tout au long d'une déjà riche carrière de dessinateur et scénariste de bande dessinée. Il s'attaque à la fois à la scénarisation et au dessin de quelques unes de ces chroniques révélatrices dans l'inconscient collectif du travail peu reluisant des flics, mais qui pour eux est bien souvent traumatisant.
En quatre-vingts pages d'une mise en scène où l'on est témoin muet, l'on suit l'une des personnalités de Bénédicte Desforges, flic et fière de l'être, qui assume une image déformée de ses congénères tout en le regrettant. Il y a ce flic qui flingue les chiottes de son commissariat et dont on devine que c'est en un haut geste à la fois salvateur et exutoire. Et puis ces travelos que l'on va voir comme on va au cinéma. Cette amitié avec une prostituée du XVIIIe arrondissement parisien. L'infiltré d'une manifestation lycéenne - son conjoint - pris à parti par une bande de violents admonestés par le juge alors que lui en aura pour des mois de rééducation. Le premier macchabée à l'odeur sympathique dans un appartement isolé et isolant. Sans compter quelques autres cas similaires et si différents.
Séra s'amuse des transitions entre les différents faits divers ordonnés de manière à sauter de l'un à l'autre sans vraiment même comprendre que l'on est entré dans une autre histoire, s'ingénie à alterner les planches sombres en noir et blanc, et celles avec des rouges écarlates comme pour mieux révéler la violence du quotidien. Le texte est minimaliste, tiré au cordeau, avec une retenue tout juste pondérée par l'affect de son auteure originaire. Il y a de la révolte contre cet officier de police ivre, machiste et vulgaire qui assure lors d'un dépôt de plainte pour violence conjugale qu'elle l'a bien cherché la salope, mais aussi de la contrition à l'égard de cette vieille prostituée du périphérique qui meurt écrasée à force de braver le flux des automobilistes pressés de rentrer chez eux, et dont son auteure, témoin là aussi muet, ressent une pointe de culpabilité. Flic c'est tout ça. C'est autant d'images du quotidien qui peu à peu disparaissent, mais qui sous l'impulsion de Séra, plus inspiré graphiquement que jamais, restent gravées dans un album.
Citation
Les gens ont toujours bien aimé les histoires de flics. Mais les gens n'aiment pas les flics. Le portrait-robot du flic culturellement conforme, c'est l'emmerdeur institutionnel. Le tortionnaire latent, le sous-prolétaire cogneur de la fonction publique.