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Inédit
Tout public
Traduit du suédois par Anna Gibson
Paris : Le Seuil, octobre 2012
470 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-02-105354-8
Coll. "Policiers"
Supplique du lecteur condamné
Au moment d'être guillotinée pendant la Révolution française, Jeanne du Barry s'était écriée : "Encore une minute, monsieur le bourreau." Il en va de même, parfois, lorsque l'on est habitué à la présence récurrente d'un personnage de fiction. On a envie de dire : "Encore un roman, monsieur l'écrivain." Lorsque Henning Mankell a annoncé la fin de la série consacrée à son commissaire Wallander, nombre de lecteurs, qui s'étaient habitués à ce policier suédois, atypique et extrêmement humain, avaient été déçus. Heureusement, pendant l'écriture des différents romans de la saga, l'auteur suédois avait aussi mis sur le papier quelques nouvelles dont certaines avaient été publiées dans des journaux. Elles présentent de l'intérêt pour les lecteurs français - outre le fait qu'elles prolongent le plaisir que l'on peut avoir à croiser Wallander - qu'ils soient récents ou connaisseurs de l'œuvre. En effet, les uns seront heureux de débusquer des éléments concernant le policier dans des enquêtes se déroulant avant celles décrites dans les romans (la dernière nouvelle s'achève ainsi avec les premiers paragraphes de Meurtriers sans visage, premier roman de la saga), et les autres pourront y voir une bonne introduction aux thèmes et aux intrigues qui lui sont chers.
Au centre des cinq nouvelles se pose, de manière récurrente, la question de savoir comment la démocratie et la civilisation européenne prennent lentement mais sûrement des formes particulières de barbarie et de violence, lorsque les enfants gâtés et gavés de la croissance grandissent. "La Faille souterraine" montre par exemple la façon dont un émigré ne trouve d'autres solutions que la violence extrême pour vivre dans un endroit policé. "La Pyramide", c'est l'argent facile de la drogue qui pousse aux pires comportements. À travers ces nouvelles, c'est aussi tout l'univers, toutes les pensées, et tous les modes de fonctionnement du policier qui s'installent : son goût de la solitude, son obsession "columbienne" du détail, son sens de l'humanité cachée de chacun, et un soin particulier porté aux personnages - le début de "La Mort du photographe" est une longue et fascinante description de celui qui va mourir quelques pages plus loin. Jeanne du Barry avait eu ce mot synonyme de faiblesse, de peur de la fin. C'est sûrement une faiblesse du lecteur que d'avoir demandé exactement la même supplique au romancier. Dans ce cas bien précis, nul doute que ça a été bénéfique.
NdR - Le recueil comporte les cinq nouvelles suivantes : "Leanbsp;Coup de couteau", La Faille souterraine", "L'Homme sur la plage", "La Mort du photographe" & "La Pyramide".
Découvrez l'avis de Philippe Bouquet, premier traducteur en France de Henning Mankell
On en parle : La Vache qui lit n°133
Citation
Au même instant, il réalisa que, pour la première fois de sa carrière, il s'apprêtait à annoncer un décès. Cette perspective l'avait toujours effrayé.