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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Philippe Aronson, Emmanuelle Aronson
Arles : Actes Sud, septembre 2012
356 p. ; 22 x 12 cm
ISBN 978-2-330-00984-7
Coll. "Lettres anglo-américaines"
Sisters Hack
Dans la famille Sisters, je demande le père. Mort. Mauvaise pioche. Dans la famille Sisters, je demande le fils aîné : Charlie, tueur à gage, sûr de lui, féroce et sans pitié, sait compter jusqu'à trois (sauf quand ça ne l'arrange pas). Dans la famille Sisters, je demande le fils cadet : Eli, tueur à gage, mais moins méchant, s'il peut discuter un peu avant de sortir son flingue, ça l'arrange. À la différence de son frère, c'est un romantique : "nous avons le même sang mais nous n'en faisons pas le même usage". En tout cas assez romantique pour entamer un régime lorsque la femme qu'il aime le trouve un peu trop gros et pour l'arrêter quand il se rend compte que la femme en question a offert son corps à Charlie contre quelques billets.
Les Frères Sisters, c'est le genre de livres dont on pourrait parler indéfiniment en en racontant les scènes et les personnages. Mais l'histoire en deux mots : deux tueurs à gage (vous l'aurez compris) en route pour la Californie pour y exécuter une mission et un chercheur d'or. L'occasion de trucider quelques autochtones (pas faute de les avoir prévenus), de tomber amoureux à deux ou trois reprises (ça c'est Eli pour ceux qui n'ont pas suivi), de détrousser quelques cow boys et quelques sommités locales, et de découvrir et dérober un produit anesthésique tout à fait rigolo dont on ne sait pas trop ce qu'on va faire. Parce qu'ils sont comme ça les Frères Sisters : faut pas essayer de les entourlouper. Quand ils négocient, sur la balance il y a forcément de l'argent d'un côté et une vie de l'autre. L'argent c'est important surtout pour Charlie. Eli, lui, il se verrait bien ouvrir un commerce, tranquille dans son village natal. Cette mission est sa dernière.
Eli, Charlie, Charlie, Eli, une sacrée paire comme on en n'avait pas vu depuis longtemps. Il y a des flingues, des duels, des cavalcades, une dent arrachée, une piqure d'araignée, un cheval borgne, des chercheurs d'or, une courtisane gravement malade (pour Eli), des courtisanes en bien meilleure forme (pour Charlie), des Indiens, de l'eau de vie, des morts dans l'eau, et pas mal d'autres trucs qui piquent, font mal, déchirent ou broient.
Au final, un livre que l'on lit avec délectation. Patrick DeWitt, à la manière d'un Quentin Tarantino, rend un hommage au western, en s'amusant de ses codes, de ses personnages, de sa violence intrinsèque. Comme le réalisateur américain, il n'hésite pas à couper l'histoire de dialogues où l'humour noir côtoie des considérations sur le quotidien de la crasse et de la Ruée vers l'or. Mais un livre également sur la fraternité où plus subtilement qu'il n'y paraît l'on découvre l'amour que se vouent deux frères, deux légendes de l'Ouest à qui la pudeur impose d'être plus démonstratifs avec leur gâchette qu'avec leur cœur.
Citation
C'est triste de penser à ce squelette sans tête sous cette eau vive et froide. Je ne regrette pas la mort de l'homme, mais j'aurais voulu mieux maîtriser mes émotions.