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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Johan-Frédérik Hel Guedj
Paris : Sonatine, février 2013
768 p. ; 23 x 15 cm
ISBN 978-2-35584-061-6
Un peu tard...
Après l'Auteur Américain Mort Tragiquement™, créneau très lucratif durant les années 1990 mais épuisé faute de carburant, l'époque serait-elle à l'Auteur Américain Inconnu™ ? Après que les éditions Sonatine aient redécouvert tardivement Shane Stevens, c'est bien la seule justification de publier ce frileur remontant à 1992. Or, aujourd'hui, vingt ans, c'est long... La légende dit que le manuscrit a eu droit à des éloges de Joseph Wambaugh et John Le Carré ('scusez du peu) qui s'avérèrent totalement inventées, mais c'est l'autre caractéristique du roman qui est aujourd'hui ironique : maintenant que Les Experts et consorts ont fait de chacun d'entre nous des spécialistes en criminologie (et aidé les criminels à éviter les erreurs trop flagrantes), les longues pages de détails techniques qui, paraît-il, valurent à l'auteur des problèmes avec le FBI à l'époque, sont aujourd'hui bien datées... L'histoire commence comme une énième décalque de Dragon rouge, puis y mêle un duo de ravisseurs violeurs en camionnette calqués sur les Hillside Stranglers bien réels, plus une intrigue liée au déplacement d'un cimetière déclenchée par la découverte d'une médaille ancienne sur le squelette d'une enfant noire. Le tout ponctué de moments atmosphériques plutôt dépassés lorsque le lectorat semble vouloir du récit à la mitraillette, façon série téloche, tout en dialogue et sans s'encombrer de psychologie. Puisqu'on en parle, celle-ci est bien facile : les policiers sont dévoués (et, bien sûr, le partenaire du héros Jack Scott est obsédé par... le Vietnam : bon, ça, c'est fait...). Si Derek Van Arman a pris Thomas Harris pour modèle (eh oui, son enquêteur a pour technique révolutionnaire de se "mettre dans la peau du tueur" sur les scènes de crime : bon, ça aussi, c'est fait...), sa prose est loin d'avoir la précision chirurgicale de son génial modèle : à la vilenie chargée de ses méchants, il oppose la pureté angélique des victimes (à faire passer Stephen King pour un pédophobe forcené !), des considérations sur ses "tueurs récréationnels" de genre "ils sont nés comme ça", plus des avertissements paranoïaques de type "les monstres sont cachés sous votre lit et il vous faut de bons flics pour vous protéger" avec toute la subtilité d'une frappe chirurgicale de B52... Malgré un style soigné, à peine ampoulé (et une traduction de tout premier ordre), le tout n'évite pas le mélodrame, ni la confusion, puisque sept cents pages, c'est passablement long, et qu'il vaut mieux tenir compte de qui est qui et qui fait quoi. Au final, on en reste perplexe : nul doute qu'au milieu des années 1990, ce roman aurait apporté quelque chose de nouveau de par la connaissance évidente de l'auteur des procédures policières, mais maintenant que sa raison d'être — ce côté technique — a été trivialisé à n'en plus finir, c'est son côté naïf, voire sentencieux qui ressort. Très sale affaire...
Citation
La vie ne valait pas cher aux États-Unis, pas plus cher qu'au Vietnam, et l'imbécile qui vous soutenait le contraire n'était jamais monté au feu chez les Viets. Ou n'avait jamais vu la façon dont la justice américaine traitait les petites gens.