Contenu
Commandant Achab. 1, Né pour mourir
Grand format
Réédition
Tout public
Paris : Casterman, janvier 2013
56 p. ; illustrations en couleur ; 32 x 24 cm
ISBN 978-2-203-06237-5
Achab est mat
Quand on est flic et fils de brigand, travailler au 36 peut s'apparenter à un rêve de gosse. C'est du moins ce que sous-entend Karim, nouvellement muté dans un étrange quai des Orfèvres. Pourquoi étrange ? Parce que ce haut-lieu est dirigé par un homme dont le frère végète au sous-sol, désœuvré au milieu des archives. Cet homme, c'est le commandant Edgar Cohen, l'un des plus fins limiers de la police judiciaire, affublé d'un chat moribond, d'un pétard qu'il a toujours au bec et d'une jambe articulée. Surnommé le commandant Achab - hommage évident à Moby Dick -, l'unijambiste Cohen symbolise à lui tout seul la déchéance. Moribond tout autant que son chat, il est victime d'un destin mythologique : il a abattu son meilleur ami qui n'était autre que l'ennemi public numéro un, qui n'était autre que le père de la nouvelle recrue du 36, Karim. La boucle est bouclée, Karim vient chercher des réponses à ses questions. Les mêmes questions que se pose justement le commandant Achab.
À partir de ce point de départ haut en couleur et très intéressant dans un univers qui ne l'est pas moins, Stéphane Douay et Stéphane Piatzsezk entament une tétralogie qui voit l'énigme principale peu à peu se décanter, tout juste ralentie par des enquêtes policières qui sont autant d'occasions pour les deux inspecteurs d'apprendre à se connaitre.
Né pour mourir, premier volet, avait déjà été édité chez Quadrants en 2009. La rencontre entre les deux inspecteurs - l'un jeune, svelte et plein de fougue, l'autre vieillissant, bedonnant et plein d'acrimonie - est évidemment explosive. Ils ne tardent pas à s'apprécier sans se l'avouer, et fonctionnent très vite comme un vieux couple. D'ailleurs, Karim n'a de cesse de ramener dans son lit ce commandant Achab, qui traine sa jambe de bois et sa gueule du même matériau à force d'avaler des bières au comptoir de La Géode tout en faisant des mots croisés.
Leur première collaboration les pousse à enquêter sur une succession d'assassinats. C'est d'abord un homme politique retrouvé pendu avec une pancarte "Mort pour la France", puis un libraire "Mort pour l'art". Un vigile schizophrène se suicide après avoir avoué le premier crime, mais sans arriver à convaincre les inspecteurs...
Une intrigue linéaire, que nos deux inspecteurs suivent inlassablement en se rapprochant indéniablement de la vérité, et qui se subit très agréablement, avec des planches sombres où l'action se mêle à l'inaction. Les dialogues sont minimalistes, ce que l'on appelle tiré au cordeau sans que pour autant, ici, ce soit galvaudé. Stéphane Piatzsezk joue des ombres en milieu urbain, y mêle des silhouettes toujours en mouvements, le tout avec une ironie féroce. Il prend le temps de dépeindre ces deux principaux protagonistes, qui se découvrent peu à peu. Le premier volet s'achève à la fois sur la résolution de l'enquête et sur un malheureux happening. Le commandant Achab a-t-il tenté de se faire suicider à la fin pour échapper à ses interrogations ? Si l'on ne doute pas de sa survie, on peut se questionner sur certaines de ses motivations. Car, il se pourrait bien qu'une main en coulisse l'ait forcé à abattre son meilleur ami par le passé... Une histoire forcément à suivre...
Illustration intérieure
Citation
Dans cette putain de ville, il n'y a que les chiens qui te regardent !