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Reconstitution : jeux d'histoire
Grand format
Inédit
Tout public
78 p. ; illustrations en noir & blanc ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-917217-39-9
Toi aussi, mon fils !
Ce petit livre est une nouvelle production de "Jeux d'histoire" due à un historien de renom chercheur au CNRS et auteur de nombreux ouvrages sur les sens de l'écrit. En droite ligne d'un autre "Jeu d'histoire", Le Dossier Bertrand, paru dans la même maison d'édition en collaboration avec quatre autres historiens, il est aussi le pendant d'un texte plus important paru en 2013 au Seuil dans la collection "Fictions et Cie" : Vie et Mort de Paul Géry. Reconstitution est aussi centré sur le Père Paul Géry, titulaire de la chaire de philosophie à l'Université Grégorienne de Rome, assassiné d'un coup de baïonnette dans le dos le 12 octobre 1925 par un soldat qui le suivit alors qu'il s'en revenait d'un rendez-vous raté avec ses neveux. Il se trouve que le Père Paul Géry est le grand-oncle de Philippe Artières, et que c'est la découverte des archives de cette histoire qui suscita son livre au Seuil et cet étrange album annexe.
L'auteur s'y livre à un étrange cérémonial : revêtir une soutane et refaire, dans les mêmes lieux de Rome, le parcours de son grand-oncle jusqu'à son assassinat. Deux photographes vont prendre des clichés-preuves de cet itinéraire jusqu'à la "mort" de l'universitaire déguisé. Outre ce "photo-roman", Reconstitution propose un avant-propos sur le goût du jeu chez les surréalistes, le protocole de l'auteur, un récit rapide de l'événement de 1925, des données d'archives sur Paul Géry avec des photos d'époque et, en conclusion, une riche synthèse. C'est dans cette synthèse que le talent de Philippe Artières apparaît. L'universitaire y balaie le spectre des reconstitutions au niveau historique (documentaires, spectacles, cinéma), et précise qu'il ne s'agit pas de reconstitutions mais d'évocation. Il s'intéresse au "living history", ces grandes scènes en plein air, où les protagonistes, des guerres de Sécession ou napoléoniennes par exemple, s'identifient totalement à leur personnage. Il y a aussi l'archéologie expérimentale (vivre pendant un temps donné comme les premiers hommes et tailler des silex), et la reconstitution judiciaire avec les prises de conscience et le changement de discours que la démarche peut induire. Il n'oublie pas le courant de la photographie contemporaine (Near Documentary) avec Éric Baudelaire ou les fausses archives de Joan Fontcuberta. Il ne parle pas de Sophie Calle dont certains travaux notamment sa trilogie Fantômes, Souvenirs de Berlin-Est et Disparitions entrent étroitement en résonance avec les siens.
Philippe Artières est un auteur qui se documente pour cerner sa démarche. "Nous avons d'abord voulu pousser à l'extrême la relation étroite qui lie invariablement l'historien à son objet et aux acteurs du fragment du passé qu'il étudie : une familiarité voire une intimité."
Nous voilà donc devant une démarche artistique personnelle que l'auteur soutient et argumente en tant qu'universitaire acceptant le flux inconscient qui l'emporte vers d'autres rives : "Cette incarnation mobilise l'inconscient de l'historien. Qu'est-ce que 'jouer au mort', 'se faire tuer', si ce n'est engager sa part d'ombre."
Sous des airs modestes, voilà un essai brillant sur un thème qui pourrait susciter des tomes chez des spécialistes. C'est justement la principale qualité de Philippe Artières : celle de passeur et d'interrogateur sachant utiliser des moyens entièrement nouveaux.
Citation
Il faut admettre qu'en histoire contemporaine ce recours au jeu est pour le moins suspect. Le jeu serait porteur d'une absence de sérieux.