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Il faut souvent que la forme s'adapte au fond. Aujourd'hui, comment écrire un roman classique alors que les technologies de communication évoluent sans cesse et à toute vitesse ? Dans les années 1970 et 1980, la typographie chamboulait tout le processus éditorial, puis l'informatique amena son lot de micro-révolutions. Maintenant, les réseaux sociaux y vont de leurs attraits et de leurs contraintes. C'est dans ce contexte qu'arrive le roman de Thierry Crouzet, qui pose la question de comment restituer la complexité d'humains devenus extensions de machines (ou réciproquement) en traitant des systèmes de connexion informatique. Rien de révolutionnaire cependant car une telle démarche a déjà été explorée et exploitée au Japon à savoir une contrainte oulipienne née de la technologie : écrire son roman en une suite de phrases respectant le nombre de caractères maximum utilisés pour un tweet. Cette contrainte détermine durablement le roman. Tout d'abord parce qu'elle introduit un style rapide et nerveux, qui oblige à des concessions, notamment en ce qui concerne les développements de pensée et de réflexion, ou des sentiments et de la psychologie. Le tout se fait au bénéfice de l'action pure car on saute de la France (Alpes, Conques, Brest, île de Batz) à la Scandinavie en passant par l'Italie, on monte en Mercedes, en 4 X 4, en hélicoptère, quand on ne s'embarque pas dans un sous-marin nucléaire.
La Quatrième théorie est une intrigue on ne peut plus classique avec son lot de groupes qui s'opposent. D'un côté des "freemen" qui veulent que les hommes vivent libres et dégagés de toute emprise, et de l'autre des gens qui essaient de renforcer le contrôle, la domination d'une minorité sur des populations que l'on veut encore plus asservir. Ce contrôle passe par tous les moyens possibles avec en premier lieu la surveillance et la totale mainmise sur Internet, sur l'agriculture (au moyen des OGM), sur l'information et les pouvoirs politiques, et sur les forces religieuses. Évidemment, même au sein des factions anti-liberticides des "Freemen", il y a des dissensions sur les moyens à employer, et certains membres sont quasiment devenus aussi totalitaires que ceux qu'ils combattent (on ne va pas refaire le monde avec de nouvelles ficelles quand on peut le faire avec de vieilles). Les autres, les "Croisés", ne sont pas en reste avec des trahisons, des coups tordus et fourrés afin de prendre le pouvoir sur l'ensemble du groupe : qui a parlé de partage intelligent ?
L'histoire tourne donc autour de trois personnages centraux : Jason, le "chef" de la rébellion, sorte de gourou invisible et omnipotent, capable de se déguiser, et qui semble jouer aux échecs avec vingt coups d'avance sur ses adversaires ; Idé, un informaticien rangé des PC, mais qui doit reprendre le combat ; et Mitch, compagne d'Idé, ancienne star du porno, et à qui on a greffé des extensions informatiques dans le cerveau. Du coup, entre la thématique d'une course contre la montre pour empêcher la prise du pouvoir mondial et la volonté stylistique de phrases courtes, le roman ne développe pas une prise de parole originale sur l'informatique, l'enjeu des nouvelles technologies et le contrôle, mais constitue un honnête thriller participatif mené tambour battant.
Citation
Il dégaina son Beretta 92, visa la Subaru et, à plusieurs reprise, tira dessus des microbombes de 9 mm Parabellum.