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Alternative possible
Yal Ayerdhal a écrit de nombreux romans de science-fiction qui quasiment tous ont abordé en thème central la question du pouvoir. Comment l'avoir ? Comment lui échapper ? Comment organiser une société autrement que sur des rapports de force ? Quelle est la place de l'artiste dans cette évolution ? Comment être hors de la norme et vouloir changer celle-ci pour faire chœur et cœur avec la société ? Cette thématique, jamais lourde ni didactique mais portée par un humour distant et une volonté d'empathie avec ses personnages, il l'applique également aux nouveaux travaux littéraires qu'il poursuit depuis quelques années ailleurs que dans le domaine science-fictif. Et, avec Rainbow warriors il rejoint ses thèmes de prédilection avec ses nombreuses interrogations. Pour les plus jeunes, le Rainbow Warrior (au singulier) est le nom d'un navire affrété par Greenpeace et qui fut coulé par services secrets pas si secrets que cela français alors qu'il s'apprêtait à aller perturber une zone consacrée à des essais nucléaires au large de l'atoll de Mururoa. Mais "rainbow" c'est aussi en anglais l'arc-en-ciel et par extension le nom que s'est attribué le mouvement de défense des droits des humains pour que la sexualité soit aussi autre chose que le rapport un homme une femme classique.
En Afrique le Mambesi est un pays comme les autres mené par un dictateur sanglant, qui s'appuie sur une armée privilégiée et des fonctionnaires corrompus, avec quelques tribus isolées qui s'opposent, parfois au nom de la religion. Désigné devant l'opinion internationale pour sa maltraitance des minorités sexuelles (un cas similaire en Zambie vient d'être porté à l'attention publique le 6 mai 2013), il voit un ancien directeur des Nations Unies décider de réunir des fonds et d'engager un général américain pour renverser le dictateur, prendre le pouvoir et créer un état démocratique. Pour arriver à ses fins, il va s'appuyer sur une armée composée de gays, de lesbiennes, de transsexuels et de bisexuels... Évidemment, le moins que l'on puisse dire c'est que cela ne plait pas à tout le monde. Des espions affluent et infiltrent l'armée, et des capitalistes soutiennent l'opposition armée. Autant il est facile de renverser un tyran, autant il est difficile de mettre en place un gouvernement qui respecte ses propres engagements. Ce qui n'est pas non plus une surprise.
Le roman de Yal Ayerdhal est construit de manière très classique avec préparation de l'attaque, opérations militaires, tentatives de déstabilisation (avec de multiples complots cachés à l'intérieur des complots) et résolution du conflit. L'auteur sait varier avec intelligence les scènes d'action pure à travers quelques personnage auxquels le lecteur adhère et des discussions plus philosophiques (toujours parsemées d'humour) sur le pouvoir et ses dérives, en insistant sur les forces traditionnelles et sages des tribus africaines vivant en communion avec la nature. cela permet de montrer que, quels que soient les enjeux, c'est de toute façon toujours les petites gens qui trinquent et quelques privilégiés qui emportent la mise. Plaidoyer pour une société plus juste, servi par des acteurs empathiques, Rainbow warriors joue les règles du thriller politique pour montrer que des solutions pacifiques et humanistes existent encore dans notre monde. Mais qui les mettra en place ? Le roman ne répond pas de façon sociétale à cette dernière question.
Nominations :
Prix Mystère de la Critique 2014
Citation
Nous n'avons pas dû lire les mêmes livres [...] Dans les miens, qui ne confondent pas putsch et révolution, les héros meurent toujours avant la fin et les peuples se retrouvent avec des maitres aussi corrompus que leurs prédécesseurs sinon pire.