Cellule Poison. 5, Comptines

Faire semblant de comprendre leur charabia rafalé en syllabes à peine mâchées, de maitriser leur charivari, ne pas se faire chouraver le matériel personnel, sauver les derniers lambeaux d'autorité et entretenir quelques heures encore l'illusion d'un travail utile.
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Bande dessinée - Noir

Cellule Poison. 5, Comptines

Guerre - Drogue - Infiltration - Procédure MAJ vendredi 14 juin 2013

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 11,99 €

Laurent Astier (scénario & dessin)
Paris : Dargaud, mars 2013
98 p. ; illustrations en couleur ; 30 x 23 cm
ISBN 978-2-205-07043-9

Charade à tiroirs

Laurent Astier met un point définitif à sa série "Cellule Poison" dans un cinquième volet riche en révélations sur Claire Guillot, une femme blessée dès l'enfance, manipulée, manipulable et exacerbée (écorchée vive aurait-on eu envie d'écrire si le rapport avec la guerre de Serbie n'avait pas été si présent n'en déplaise aux amateurs de monstres sanguinaires des Carpates). Tout au long de ces près de cent pages aux bichromies sans cesse renouvelées, Laurent Astier prend un malin plaisir à déstructurer son récit pour apporter quelques précisions sur une femme flic un peu spéciale, de passion et sans repères. L'univers aux confins de l'onirisme nous impose des parties d'échecs où elle est un pion enfermée dans une tour prête à être sacrifiée. Avec un vilain mauvais goût assumé, le bédéiste intitule cet ultime volet Comptine alors qu'il nous en apprend sur les réseaux de prostitutions européens nés de la chute du mur de Berlin et de la guerre des Balkans. Pour en avoir été victime (une sordide histoire d'infiltration), Claire s'est retrouvée mère de famille fuyant ses responsabilités et ses cauchemars dans la drogue. Sa hiérarchie l'a abandonnée sans en avoir l'air, avec toute la franchise que la fourberie et la couardise de l'État permettent. Et Claire s'enferme dans une réalité revancharde, craint de se confronter à son bourreau qui n'est autre que le père de sa fille tout en se persuadant qu'elle ne pourra jamais le tuer. C'est oublier la rage qu'elle a au corps, la préméditation d'un geste pensé mille fois. Abandonnée de tous sauf de Zoran, éternel ami qui cache en lui-même ses propres démons, confrontée au regard maternel version féminine de l'œil de Caïn, Claire - le lecteur le comprend à la fin de cet album - se reconstruira si et seulement si elle met en hibernation ses douleurs, et accepte d'entrer dans une nouvelle vie. Le chemin tortueux que lui a choisi Laurent Astier plus inspiré que jamais n'est assurément pas des plus faciles, mais il se dessine joliment - comme avec ces à-plats vifs au trait et au texte épurés.

Citation

J'ai l'impression d'avoir été dédoublée et de me regarder de l'extérieur, comme un corps astral !!! Mais je préfère être là, à l'air libre libre, que sous six pieds de terre.

Rédacteur: Julien Védrenne lundi 03 juin 2013
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