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Chiennes de vies
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Isabelle Maillet
Paris : Gallimard, janvier 2013
250 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-07-013535-6
Coll. "Série noire"
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"Un portrait au hachoir de l'Amérique rurale ou l'exploration au scalpel d'une manipulation ? Deux textes plus noirs que policiers sont au menu de ce Cercle Polar."
Le Cercle Polar n°115, d'une durée de quinze minutes, présenté par Michel Absecat et Christine Ferniot sur le site de Télérama, s'offre une thématique noire presque aux antipodes du globe puisque les deux ouvrages présentés sont un roman allemand et un recueil de nouvelles américain. La Vérité sur Frankie, de Tina Uebel, est, de l'aveu de Christine Ferniot, un livre glaçant qui joue sur la manipulation, et un roman extrêment bien fait avec une structure simple. C'est d'ailleurs cette structure - trois interrogatoires successifs - qui fait dire à Michel Abescat que s'il y a reproche à faire, c'est bien sur cet aspect répétitif et sec dans l'oralité. Avec Chiennes de vies, Frank Bill fait une entrée remarquée à la "Série noire" des éditions Gallimard, et suscite chez les deux interlocuteurs beaucoup d'interrogations. Ces dix-sept nouvelles, comme le note Michel Abescat, sont à la fois liées par le lieu, les thèmes (violence, misère économique...) et les personnages quand ils survivent. Christine Ferniot, si elle avoue aimer les bouseux, ne peut s'empêcher de le comparer à Donald Ray Pollock, poétiquement au-dessus, et abonde dans le sens de Michel Abescat quand il rajoute que Frank Bill n'omet rien avec une puissance des images et un jeu sur la saturation de la violence. Mais les deux journalistes sont d'accord sur un point essentiel : c'est un auteur à suivre, qui est en train d'écrire son premier roman, ce qui est plutôt une bonne nouvelle...
Cercle Polar n°115 : La Vérité sur Frankie, de Tina Uebel (Ombres noires) & Chiennes de vies, de Frank Bill (Gallimard, "Série noire")
Liens : La Vérité sur Frankie |Donald Ray Pollock |Tina Uebel
Nouvelles outrenoir
Les premières nouvelles du recueil de Frank Bill, Chiennes de vies, sont d'une noirceur horrifique à couper au couteau, qui plantent un décor dans la campagne profonde américaine - le sud de l'Indiana - où les victimes expiatoires prennent une revanche dans le sang, la sueur et la crasse. Le nouvelliste n'hésite pas à introduire quelques lignes très gores dans des histoires au réalisme troublant, prenant le risque de scinder la population en deux : d'un côté, des marginaux avides de petits profits écumant un paysage désolé armes au poing, heureux propriétaires de laboratoires de meth, de l'autre, des âmes innocentes (quoique), qui dans un dernier instinct de survie, acculées comme on l'est rarement, trouvent les forces de la rébellion (qui mène à l'acharnement destructeur). Frank Bill teinte tout cela d'un humour décapant. Ses nouvelles se suivent, vont de plus en plus loin, mais alors que l'on s'est habitué à cette plongée dans une réalité crasse, ses nouvelles deviennent plus conventionnelles sans que l'on sache si c'est prémédité afin que le lecteur puisse respirer un temps. Il faut bien le dire, l'ensemble parait inégal seulement parce que certaines nouvelles sont exceptionnelles. L'homme décortique ses personnages pendant que ses personnages se décortiquent entre eux avec une machette de fortune. Il construit une fresque humaine qui migre de la ville à la campagne, et inversement, avec autant de désœuvrement et de désenchantement tout en mettant en avant l'impact négatif des adultes sur les enfants, des hommes sur les femmes, de l'artificiel sur le naturel. On pourrait lui trouver de nombreuses inspirations d'Erskine Caldwell, pour la misère populaire des grands espaces désertés, à Jim Thompson pour ses portraits humains et psychologiques de personnes meurtries, mais nul doute que son inspiration première Frank Bill l'a trouvée en franchissant le seuil de sa demeure, et en jetant un regard désolé sur ce qu'il y a vu. Et c'est ainsi qu'il propose un lot de nouvelles nerveuses, à la force narrative brute, certes nous l'avons dit inégales, mais qui révèle un véritable talent pour la forme courte.
NdR - Le recueil comporte les nouvelles suivantes : "Hill Clan Cross", "Vieilles rancœurs", "Tout le mal", "La Pénitence de Scoot McCutchen", "Un homme à terre (Junkies)", "Pulsion", "Belle même dans la mort", "L'Accident", "Le Vieux Mécano", "Infréquentable", "Le Roman noir d'un chasseur de ratons laveurs", "Mauvais trip", "La Sagesse de l'Ancien Testament", "À la frontière entre le paradis et l'enfer", "Un lapin dans le carré de laitues", "L'Amour brut" & "Les Crimes du sud de l'Indiana".
Citation
En allant de la cuisine à la chambre, son verre de bourbon à la main, Moon constata que les placards étaient vides. Les valises d'Ina avaient disparu. Il avait trop honte pour appeler le poste et demander une localisation du Toyota Land Cruiser de 85 qu'elle conduisait. Alors qu'il portait une nouvelle fois le verre à ses lèvres, faisant s'entrechoquer les glaçons, il songea que le pire de tout, c'était qu'il était lui-même trop bourré pour se lancer à sa recherche.