Contenu
La Somnambule
Grand format
Inédit
Tout public
The Sleepwalker - 2013
Paris : Casterman, juin 2013
104 p. ; illustrations en couleur ; 26 x 19 cm
ISBN 978-2-203-04793-8
Coll. "Rivages/Casterman/noir"
Very cold case
Stéphane Michaka et Jean-Louis Thouard ont adapté le bon thriller psychologique d'Helen McCloy pour les éditions Casterman. Le résultat est une bande dessinée très sombre dans ses couleurs, aux planches harcelées par les démons enfouis au plus profond du cerveau embrumé de Marian Tansey, jeune femme habitant Boston depuis deux ans. Depuis qu'un événement lui a fait perdre la mémoire. Comme dans le roman, nous allons suivre les péripéties d'une femme ordinaire qui se découvre soudainement somnambule, qui voit débarquer dans son entourage trois personnages énigmatiques et envahissants quoique captivants : un vendeur d'automobiles d'occasion qui a arrêté ses études de médecine, un journaliste de nuit, et une jeune kleptomane exacerbée qui veut devenir actrice. Ces trois personnages forts vont bien malgré eux (enfin, sauf un) déterrer une vérité que Marian Tansey aurait bien aimé conserver au plus profond d'elle. L'intrigue, avant tout psychologique, est faite de petits détails qui sont autant de pièces d'un puzzle vierge. L'histoire est à l'américaine avec une femme sans identité qui s'est fondue dans une grande ville, qui a refait sa vie, et à qui personne ne fait réellement attention. Sauf qu'un jour, alertée par une publicité entendue à la radio, elle décide de s'acheter une voiture dont elle n'a absolument pas besoin. Et ce désir impérieux va être le déclencheur de ses ennuis, du retour à pleine vitesse de son passé, et de l'arrivée d'un homme qui en veut à sa vie sans qu'elle puisse se rappeler pourquoi. Les cases proposées par Jean-Louis Thouard mettent surtout en avant sa maîtrise de la confusion ordonnée. En effet, chacune est au bord de la saturation (des images, des couleurs) sans jamais franchir une limite inconfortable. Le scénario de Stéphane Michaka a le double mérite de rafraichir l'intrigue et d'expliciter des passages qui dans le roman restent plutôt occultés, et ce d'autant plus facilement que le romancier, anglophone convaincu, a lu le roman dans la langue de Mark Twain. Sans compter qu'il a concocté un finale plus alerte, reposant moins sur une lenteur, qui dans le roman d'Helen McCloy participe sûrement de l'effet de tension psychologique et dramatique, que sur une rapidité d'action qui dans sa modernité accroit l'efficacité. Cette très bonne bande dessinée se clôture enfin dans la lumière, et dans l'aperçu d'une Marian retrouvée et de son reflet dans l'eau, miroir amplifié de sa double personnalité, qu'elle préfère à l'originale. Entre-temps, un policier omniprésent aura mis un terme aux agissements d'un tueur, et résolu un cold case. Du pain béni pour les statistiques, et un heureux moment de lecture perdu dans les limbes d'une histoire américaine.
Citation
Mon cauchemar commença devant la porte aux lanternes. D'abord faibles et diffuses, les lueurs devinrent aveuglantes... Comme si l'on pressait un fer rouge sur mes paupières.