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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Nathalie Serval
Paris : Presses de la Cité, mai 2013
372 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-258-10125-8
Coll. "Sang d'encre"
Lumières mortes
La violence fait partie du quotidien d'Harper, un gars assez marginal, habitué à en découdre avec la police de Chicago. Il faut dire que l'époque n'est pas facile en ce début des années 1930 dans la cité d'Al Capone. Une impression de fébrilité semble flotter sur toute la ville. Les faillites et les liquidations vont bon train, renforçant l'impression de malaise. Harper vient de régler son compte à un type pas très frais qui a osé cracher ses poumons sur un jeu de cartes. Sa distribution de coups bien placés lui donne le droit d'être poursuivi par une milice mise en place par le pseudo maire de la cité en dérive. La seule solution est de réussir à leur échapper mais aussi de trouver une planque pour se faire un peu oublier. Après avoir reçu un coup sur la tête qui va lui colorer le cerveau façon kaléidoscope, ses pas le conduisent vers une maison visiblement abandonnée qui semble n'attendre que son arrivée, la meilleure preuve étant la clé de la porte d'entrée qu'il trouve dans la poche de la veste qu'il vient de voler. Il ne sait pas encore qu'il vient de tomber sur le sésame qui va complètement chambouler sa vie. Une fois à l'intérieur, il commence à faire le tour des pièces. Il n'y trouve pas vraiment de signes de vie, surtout pas en provenance du corps d'un homme qui semble mort depuis peu de temps. Mais c'est dans une autre pièce qu'il va avoir une étincelante révélation. Les visages de plusieurs femmes lui apparaissent sur un mur, nimbés de lumière. Au même moment, une évidence s'impose à lui. Il doit les retrouver et les tuer. Le plus étrange est que la demeure va l'aider à accomplir cette incroyable mission. Harper, submergé par son délire, se met voyager à travers toutes les périodes du XXe siècle sans trouver bizarre de pousser une simple porte pour arriver à une autre décennie inconnue pour lui. Il se met en chasse, croise le chemin de ses victimes à plusieurs reprises et à des âges différents. Au moment de passer, la violence envahit tout son corps. Il les massacre, s'acharnant sur leurs corps avec un couteau. En guise de signature, il abandonne sur les corps étripés un objet pris à quelqu'un d'autre dans le futur. Le monstre est lâché dans les rues de Chicago mais comment faire le lien entre tous ses meurtres commis à des années d'écart ? Une de ses expéditions punitives, cependant, ne va pas se passer comme il l'aurait voulu. Tout ça à cause d'un chien fidèle voulant porter secours à sa maîtresse. La victime va survivre à ses blessures pourtant très graves. Elle sent que derrière son agression se cache quelqu'un d'extrêmement dangereux, et qu'elle doit à tout prix retrouver la trace de ce serial killer, persuadée qu'elle n'est pas la seule victime et certainement pas la première. Elle va donc utiliser son poste de journaliste pour tenter de récolter des informations en passant des petites annonces dans le journal.
La traque est lancée mais on ne sait pas qui de la victime ou du meurtrier sera le premier sur les traces de l'autre.
Lauren Beukes offre avec Les Lumineuses un roman au genre très particulier, et nous embarque dans un imaginaire extravagant où vient cohabiter l'histoire et l'anticipation. À ce cocktail détonant vient s'ajouter un traitement sans concession de la violence infernale qui habite l'esprit de son héros. Cette haine est tout bonnement inclassable car elle prend ses racines dans la méchanceté, le déséquilibre d'un homme ravagé par une folie ancrée au plus profond de son âme. La détermination est aussi au rendez-vous de cette déroutante histoire. Qu'elle soit conduite par le mal ou qu'elle soit guidée par une soif de vengeance, elle s'empare des personnages pour les pousser au bout de leurs limites.
La prouesse de Lauren Beukes est d'avoir réussi son pari de nous balader de décennies en décennies. Les chapitres s'enchainent en nous faisant faire des allers-retours entre passé et présent. On suit les pas d'Harper rendant visite à ses futures victimes à des âges différents. On passe de l'enfant à l'adulte qui a perdu le souvenir de cet étrange rencontre avec un inconnu mystérieux. Lauren Beukes donne un bon coup de dépoussiérage à la machine à voyager à travers les époques, thème fétiche d'un certain nombre d'auteurs de romans d'anticipation et d'aventure. Elle l'adapte à l'univers du thriller avec un réalisme saisissant qui rend presque concrète cette demeure qui sert de passage pour une expédition punitive. Le travail de recherches sur Chicago permet de voir la transformation de la ville au fur et à mesure des bouleversements urbains. Lauren Beukes l'utilise comme un terrain de chasse où le progrès ne terrorise pas le tueur mais lui offre d'inattendus moyens de se fondre dans l'anonymat des rues et se jouer des forces de l'ordre.
Les Lumineuses renouvelle les codes du roman fantastique mais surtout permet à Lauren Beukes de nous offrir un roman très noir contrairement à la symbolique du titre.
Citation
Embrocher un type, c'est quand même plus intime que de le descendre d'une balle. Le genre de détail qui rend la guerre supportable.