De Mesrine à DSK : les vérités d'un grand flic

Oublions cela et tournons-nous vers une approche plus psychologique. Cette missive est anonyme, donc l'auteur tenait à préserver de son identité. Curieusement, ce que chacun de nous tente de dissimuler trouve fréquemment un moyen détourné de s'exprimer. La vérité transparaît sous forme de signes et d'aberrations très subtils.
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Essai - Policier

De Mesrine à DSK : les vérités d'un grand flic

Procédure - Faits divers MAJ mardi 25 juin 2013

Note accordée au livre: 2 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 19,9 €

René-Georges Querry
Paris : Jean-Claude Gawsewitch, juin 2013
288 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-35013-426-0
Coll. "Coup de gueule"

L'homme aux grosses lunettes

Ce haut fonctionnaire de la police est devenu célèbre du jour au lendemain lors de l'affaire de DSK au Sofitel qui déboucha sur le scandale que l'on sait et qui coûta au patron du FMI (sans doute) la présidence de la République. René-Georges Querry, dit "Jo" est alors le responsable de la sécurité du groupe hôtelier Accor et c'est en raison de cette fonction qu'il est le premier averti par l'hôtel de luxe, le 14 mai 2011 à 23 h 45 de l'interpellation de Dominique Strauss-Khan à l'aéroport de New York. Dans l'emballement médiatique qui suit, il se retrouve aux premières loges dans les accusations de complot. N'a-t-il pas une carrière importante dans tous les services de police qui comptent ? N'a-t-il pas des liens politiques et économiques avec le gouvernement en place (Sarkozy, Bolloré) ? "Je me suis exprimé, j'ai argumenté, j'ai balayé cette affaire, grotesque, mais il m'en est resté un peu d'amertume. Alors j'ai décidé d'écrire, de donner ma version, mon droit de réponse, un peu plus longuement que dans une interview, de sabrer les fantasmes et ceux qui les colportent." Voici donc le déclencheur d'écriture mais, comme l'annonce ensuite l'auteur réaliste dans son avant-propos : "Mais ça ne fait pas un livre, juste une plaquette, me direz-vous ! Vous avez raison, c'est pour cela que j'ai ouvert la boîte à souvenirs."

À l'instar d'autres grands patrons de la police, comme Claude Cancès ou Danielle Thiéry, René-Georges Querry se lance donc dans ses souvenirs. Après ses diplômes universitaires, il entre dans la police avec ses cheveux longs, étant le deuxième plus jeune commissaire de sa promo. Suivent les services dont il est devenu patron (répression du banditisme, stupéfiants, antigang, protection des hautes personnalités, etc.). L'écriture est du style basique, voire même un peu trop. Quand on lit son parcours universitaire, on aurait pu espérer un peu plus de développement. Ce rythme s'apparente plus à des notes. On n'est pas là pour se regarder le nombril et prendre des pauses psychologisantes comme dans le chapitre sur la mort de son collègue et ami Roland Link tué par mégarde par un inspecteur : "Je pige. Le chien de son revolver était relevé, le coup est parti et a touché Roland. C'est un accident, le plus stupide qui soit ! Blessé au ventre, Roland Link meurt trois heures plus tard !" On est un flic, un point (d'exclamation) c'est tout. Alors, le sentiment, on le met de côté.

Ce postulat accepté, défilent les intrigues de couloir et les bons moments avec les membres des divers services tous joyeusement siglés. Dans quelques portraits rapides de patrons de police (Le Mouël, Broussard et surtout Ottavioli), de politiques (Deferre, Joxe, Guéant) et de magistrats (Thiel), Querry s'avère peu timide et ose dire quelques vérités. Pas de scoops mondains sauf peut-être Joe Dassin coincé avec de la cocaïne. Il invitera ensuite Querry au restaurant pour le remercier ne pas avoir divulgué l'affaire à la presse.
Défilent aussi quelques notes sur d'importantes affaires : Mesrine surtout (l'auteur était là quand il fut tué lors du guet-apens de la Porte de Clignancourt car Mesrine s'est penché pour saisir des grenades planquées sous son siège), les Irlandais de Vincennes, Action Directe, le suicide de Bérégovoy (encore des rumeurs ne reposant sur rien : l'ancien ministre ayant tout simplement subtilisé l'arme de service de son garde du corps qui se trouvait... dans la boîte à gants de la voiture), Goldman, Bauer, Siccurani, etc.

Querry parle aussi des grands gangsters qu'il rencontre lors de son séjour à la BRB, au 36 Quai des Orfèvres, en 1973-1974, comme "Michel Ardouin dit le Porte-Avion (car armé à bloc)" et qui, justement, est à l'honneur d'une édition simultanée à la Manufacture des Livres. L'auteur fustige ces bandits, comme Mesrine ou Bauer, qui enfument les médias par des discours révolutionnaires et qui, pour lui, ne sont que des truands comme les autres, n'hésitant pas tirer dans la foule et à dépenser leurs gains mal acquis d'une manière toute personnelle et égoïste. "La police, c'est comme la SNCF : on ne parle jamais des trains qui arrivent à l'heure", se désole-t-il, pourfendant les campagnes de presse montées de toutes pièces et qui finissent par faire valser les patrons sous l'influence de "conseillers' qui prennent finalement les décisions à la place des ministres. Voilà Querry viré de son service de protection des hautes personnalités, mais on lui trouve le poste de patron de la sécurité de la Coupe du Monde 1998. Ça tombe bien : il est fan de foot et cet emploi va lui occuper un nombre important de pages. Mais ce sera son dernier emploi public. Il lui reste dix ans à tirer, et il passe du côté du privé chez Accor (du Formule 1 au Sofitel). Désormais, il est aux côtés de Bolloré chez AutoLib.

Au final, cet ouvrage très rapide et enlevé ravira les amateurs de mémoires de flics dont le style, ici, rejoint celles des truands. Le bonus, ici, étant sans doute la vision un peu plus politique. Un ouvrage de mec pour les mecs.

Citation

Je vois aujourd'hui des voyous intervenir à la télévision, écrire des livres. Comment rester imperturbable lorsqu'un Michel Ardouin revendique avoir tué, tout en affirmant être un homme d'honneur ?

Rédacteur: Michel Amelin dimanche 23 juin 2013
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