Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Alexandra Lefebvre
Paris : Points, janvier 2012
598 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-7578-2390-3
Coll. "Policier", 2744
Cicatrices de la vie
Dans les années 1960, Truman Capote s'empare d'un faits divers sanglant pour signer son analyse romancée sous le titre De sang-froid. Au début des années 2000, Steve Hodel, après le succès des romans de James Ellroy revient sur l'affaire du Dahlia noir pour nous présenter un coupable plausible. C'est dans cette optique Que Terry Jentz à son tour évoque un faits divers étrange, celui de deux jeunes étudiantes qui décident de traverser les États-Unis à vélo qui, alors qu'elles dorment sous leur tente, voient une voiture tenter de les écraser, puis le conducteur essayer de les massacrer à la hache avant de disparaître. La différence notable entre les deux premiers cas et le dernier, c'est que Terry Jentz est l'une des deux étudiantes survivantes. Elle a reconstruit sa vie, et n'exhibe ses cicatrices que quinze ans après les faits, lorsqu'elle décide de mener son enquête sur cette affaire qui n'a jamais abouti à conclusions satisfaisantes.
La Nuit sauvage se déroule en trois temps avec, d'une part, un aller et retour entre le présent et le passé pour représenter l'affaire, les protagonistes et savoir ce qu'ils sont devenus - un parallèle saisissant est dressé entre les deux victimes qui amies à l'origine se sont perdues de vue suite à cette tentative d'assassinat - et, d'autre part, des pistes ouvertes et avec leur lot de quasi certitudes sur l'identité du meurtrier.
Raconté à la première personne, maîtrisé par le style de l'auteur qui jamais ne sombre dans le pathos mais sait tirer de son aventure personnelle le reflet des doutes et des envies d'une génération, La Nuit sauvage est déjà l'histoire de cette jeunesse insouciante qui vit dans le confort et les études au long cours sans voir les envers du décor américain. Une jeunesse citadine, cultivée, ouverte sur le monde qui a laissé derrière elle les plaies du Vietnam, une jeunesse qui redécouvre le mythe de la nature accueillante. Une histoire qui, comme dans Délivrance de John Boorman, vire au cauchemar.
En arrière-plan, c'est également l'histoire "oubliée" de l'Amérique qui surgit progressivement de l'enquête : des communautés rurales soudées où même si l'on sait, on ne dénonce pas quelqu'un de son voisinage avec une violence contre les femmes endémique, des machos sans foi ni loi, et un système judiciaire qui, malgré ce que l'on entend chez nous, ne tourne pas mieux et n'est pas dans les faits plus répressif.
Le texte, aux confins du docu-fiction, est aussi l'occasion de réflexions sur le deuil du passé, sur les blessures traumatisantes, sur la résilience, sur comment se reconstruire, sur la justice et la vengeance, et ne s'appesantir jamais du poids d'un essai puisqu'il s'inscrit dans une enquête, une enquête qui nous rappelle que nous vivons à côté de criminels ordinaires, dans des lieux paradisiaques qui cachent des cadavres enfouis.
Citation
Il arrive aux gens des choses étranges en Amérique. Certaines amèrement cruelles. Et d'autres si belles que la foi en est revivifiée à jamais.