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Fin de course
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Aline Weill
Paris : Calmann-Lévy, avril 2013
354 p. ; 22 x 15 cm
ISBN 978-2-7021-4415-2
Coll. "Robert Pépin présente"
Naturel au galop
Le western est un genre qui revient perpétuellement au galop à la mode avec sans cesse un renouveau, une remise en question et en perspective. Loin des frontières américaines, il a touché des romanciers comme Jean-Patrick Manchette et Pierre Pelot - ce dernier ayant écrit une série orchestrée autour de Dylan Stark, un Américain perdu dans les suites de la guerre de Sécession. Rivages et Gallmeister remettent régulièrement à l'honneur ce genre. Fin de course, paru chez Calmann-Lévy, s'apparente à un western pur. Joe Pickett, le héros garde-chasse dans les forêts de la Sierra Madre, de l'Américain C. J. Box, parcourt solitaire les pistes du Wyoming à cheval, là où même les pick-up et les 4 X 4 ne peuvent passer pour arrêter les braconniers irrespectueux de la nature. Dans Fin de course, tout commence avec une carcasse de wapiti et débouche sur l'horreur car les tueurs utilisent des pièges et des flèches. Tout se déroule comme une longue course-poursuite à cheval dans de grands décors naturels, avec des personnages bien dessinés, un sens de l'action rendu avec soin et l'atmosphère des grands espaces parfaitement restituée. Même s'il n'était que cela, le roman serait déjà intéressant.
Mais par delà cet aspect, il explore le mythe américain : celui du conflit entre des individus proches de la nature, se méfiant des lois et du gouvernement, élevant les animaux dont ils se nourrissent tout en respectant leur environnement. Du coup, les deux tueurs que pourchasse Joe Pickett sont présentés comme des forces sombres - des sortes d'ogres -, insensibles aux coups et aux balles, en osmose totale avec leur milieu et se jouant de tout et de tous. Face à eux, un promoteur et un homme politique corrompu qui veulent les réduire au silence, s'appuyant sur les vides juridiques, sur le mépris des lieux, sur la force brute de la technique (face aux flèches, ils ont des armes automatiques et des lunettes de vision nocturne), les deux forces symbolisant bien cette lutte profondément américaine entre les disciples de Thoreau et les hommes des villes, de la "Civilisation". Un récit qui s'achève dans un constat amer : le rêve américain du retour à la nature est mort.
Au début de ce roman, Joe Pickett veut juste faire respecter la loi. Les deux tueurs ont l'air de lui demander de les laisser en paix avant de sombrer dans la violence. Il faudra le roman pour que Joe comprenne que finalement la loi n'est pas forcément la justice, que les ogres violents cachés dans les montagnes sont parfois plus humains que les riches civilisés. Tout cela, C. J. Box l'écrit sans didactisme lourd mais enserré, souligné par un style qui sait décrire la beauté des sites, la nécessaire cruauté de la vie comme elle va, ce qui est aussi, sans doute le fondement même du récit de western, et par extension de la littérature.
Citation
La flèche qu'il avait reçu au cou lui avait tranché la carotide et il avait succombé à l'hémorragie ; son sang noir formant comme une grande flaque de goudron dans l'herbe.