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Inédit
Tout public
Brute en rédemption
Les Fantastiques années 20, c'est une version ancestrale et urbaine du Bon, la Brute et le Truand avec toujours autant de personnages hauts en couleur. Tout débute cela dit en France, aux derniers jours de la Première Guerre mondiale avec une rencontre entre trois soldats américains pris dans un bombardement allemand, qui se retrouvent dans un trou d'obus et fraternisent autour d'un paquet de cigarettes. Eddie Bartlett (James Cagney), George Hally (Humphrey Bogart) et Lloyd Hart (Jeffrey Lynn) ne le savent pas encore mais leurs destins et surtout leurs vies sont désormais indissociablement liés.
Le film de Raoul Walsh déroule dans un mélange de documentaire et d'action le retour à la vie civile d'Eddie Bartlett. À l'instar de Chéri-Bibi, la société ne lui fait pas de cadeau, la société ne l'aime pas. Son départ sur le front lui a fait perdre un travail qu'il croyait pouvoir retrouver à son retour. L'Amérique n'a que faire de ses conscrits démobilisés. Contraint de vivoter au volant d'un taxi, il se retrouve embarqué dans une sale affaire de bootlegger et emprisonné. À sa sortie, il décide de profiter de la Prohibition et de monter sa petite affaire sous la couverture d'une compagnie de taxis.
Il retrouve d'abord Llyod Hart, le Bon, devenu avocat et qui a des idéaux de vie, puis au moment de dérober la cargaison d'alcool d'un navire, George Hally, la Brute, avec qui il s'associe. Mais dans cette histoire de truands qui mènent la belle vie et connaissent une prospérité fulgurante apparait Jean Sherman (Priscilla Lane), une jolie danseuse dont Eddie Bartlett tombe amoureux et qui va signer bien malgré elle la chute de la gentille Brute alors que la Dépression lui aura déjà joué un sale tour.
Avec ses aspects documentaires, et dans la tonalité et dans les images, Les Fantastiques années 20 montre avec exactitude les fondements de l'Amérique du XXe siècle. Du retour en nombre des conscrits, qui accroit le chômage et participe à l'exacerbation des civils, au Jeudi noir de Wall Street, qui précipite la finance dans le gouffre, en passant par les Années folles sur fond de Charleston et de Prohibition, tout est passé au crible dans un excellent film de gangsters qui offre en prime un affrontement entre deux stars de Hollywood.
Raoul Walsh ne nous passe aucun détail du métier de bootlegger, et propose même une séance de préparation d'alcool dans une baignoire avec James Cagney. Il y a les pression sur les bars, les alimentations des speakeasies, le puritanisme américain confronté à son hypocrisie qui le fait cacher des bouteilles d'alcool dans des sacs en papier (héritage de la Prohibition qui perdure aujourd'hui), et la violence déclenchée par l'appât du gain, les guerres de territoire et l'apparition de la mitraillette au sein des gangs qui foisonnent et se nourrissent de l'alcool frelaté et de contrebande.
James Cagney en héros doublement malheureux - celle dont il est amoureux lui préfère Jeffrey Lynn ; il perd toute sa fortune -, revanchard et rédempteur, est tout simplement exceptionnel. Sa rivalité qui ne pouvait que naître avec Humphrey Bogart en véritable être noir (au début du film, il abat dans les tranchées un trop jeune soldat allemand et s'en réjouit alors que l'armistice tombe au même moment, et ce fait suffit à dresser une personnalité qui ne va que se confirmer) est explosive entre un être impulsif qui réagit souvent, impuissant, avec ses poings, et un homme calculateur mais dont la lâcheté finale le rabaisse inexorablement. Quany à la maîtrise de Raoul Walsh, elle est totale et trouve toute sa substance dans la ville en noir et blanc à l'image de ses citadins.
Les Fantastiques années 20 (104 min.) : réalisé par Raoul Walsh sur un scénario de Jerry Wald, Richard Macaulay et Robert Rossen d'après l'histoire The World Moves On de Mark Hellinger. Avec : James Cagney, Priscila Lane, Humphrey Bogart, Gladys George, Jeffrey Lynn, Frank McHugh, Paul Kelly...
Illustration intérieure
Citation
Eddie se joint donc aux milliers d'Américains comme lui. Il fait partie d'une armée du crime née d'une loi impopulaire et d'un peuple réticent. Le mot de passe c'est 'alcool' et ça s'écrit 'argent' en se répandant dans tout le pays.